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6 mars 2009 5 06 /03 /mars /2009 08:38


Un des billets les plus lus de SOS...SES... analyse les différentes représentations de la stratification sociale (relire "S'il te plait, dessine moi la société").






C'est un thème classique de sociologie dont les enjeux restent toujours d'actualité: Louis Chauvel a revisité cette question en montrant que les classes moyennes étaient à la dérive (relire ce billet : "il est en panne l'ascenseur social ?").

J'ai trouvé une enquête du CREDOC qui apporte de nouveaux arguments au débat.
L'une des difficultés pour aborder cette question est de définir les termes du sujet. Par exemple, comment peut-on définir / mesurer ce qu'on appelle les classes moyennes ?

Le CREDOC a fait le choix de mettre dans cette catégorie les individus qui disposent d'un niveau de vie (après impôt) compris entre 75 % et 150 % du niveau de vie médian. Ce qui correspond à un revenu avant impôt qui peut aller de 1 100 à 2 600 € par mois pour une personne seule.


Voici alors le résultat de leur découpage statistique de la population française

Une typologie des classes moyennes et des autres catégories de revenus





Maintenant, on peut montrer l'évolution de ces catégories sociales sur une vingtaine d'années
et même comparer avec d'autres sociétés.



Surprise !
Ici, on s'aperçoit que les classes moyennes (selon cette définition) augmentent leur poids dans la population (contrairement aux Etats-Unis et à l'Allemagne).

De plus, on entend souvent parler du "décrochage" des classes moyennes: leur pouvoir d'achat ne progresse plus, voire régresse.

Or l'étude montre que le niveau de vie médian était de 718 € par mois en 1970, il passe à 1 314 € en 2004 (en euros constants), soit une hausse de plus de 80 % (alors que pour l'ensemble de la population, le niveau de vie n'a progressé "que" de 75 %). Les classes moyennes voient donc leur niveau de vie davantage progresser que celui de la majorité de la population.

La France serait-elle plus tocquevilienne qu'elle ne le pense ? ^^


D'où provient alors ce décalage important entre ce que pense les français et la réalité statistique ?

Depuis plusieurs années, avant de commencer l'analyse de la pauvreté et de l'exclusion avec les élèves, je leur pose la question suivante "à votre avis, sur 100 ménages, combien sont considérés comme pauvre ?" L'écart entre la réponse des élèves et les statistiques est très important :une année, la majorité de la classe a répondu entre 30 et 40 % de pauvres en France ! J'ai par ailleurs constaté la même chose à propos du nombre d'ouvriers en France, du nombre de couples mariés, du nombre de salariés en CDD...

Evidemment, c'est l'occasion d'entamer des discussions avec les élèves: les chiffres sont-ils inexacts ? Comment interpréter cet écart entre réalité subjective et statistique etc...


Il est vrai que la perception d'une paupérisation peut être confirmée par un certain nombre de statistiques.

Je voudrais en présenter quelques unes
qui sont issues du même document du CREDOC.

Document 1: la répartition des dépenses des ménages selon leur position dans l'échelle des revenus


Le poids des dépenses "obligées" ( dépenses contraintes et incontournables) représentent près de 90 % du budget des personnes les plus pauvres et 80 % du budget des classes moyennes.
Même chez les ménages les plus riches, les 2/3 du budget sont touchés par ces dépenses obligées.


Par contre, si on regarde l'évolution dans le temps...


Document 2: évolution des dépenses contraintes de 1979 à 2005 selon le type de ménage


Le poids des dépenses contraintes a (presque) doublé pour les catégories inférieures (pauvres + modestes + classes moyennes inférieures).

Ce qui contraste singulièrement avec les autres catégories qui connaissent une évolution nettement plus faible de ces dépenses contraintes.

Conséquence : beaucoup de français déclarent s'imposer des restrictions dans leurs dépenses.


Document 3: Pourcentage de chaque catégorie déclarant s'imposer régulièrement des restrictions dans leur dépenses.


On voit, là encore, apparaître une polarisation entre 2 catégories:

- des catégories pauvres aux classes moyennes supérieures, une majorité déclare s'imposer des restrictions et cela se dégrade depuis 1980.

- des catégories aisées et hauts revenus: elles déclarent de moins en moins se restreindre !

Le CREDOC tente d'expliquer ces évolutions.
On va le voir, les raisons sont complexes.
L'une des principales raisons réside dans l'augmentation du coût du logement:
- le prix des loyers a augmenté plus vite que l'inflation: + 3.4 % par an contre + 2.3 %.
- les prix de l'immobilier, on le sait, ont explosé
On pourait donc se dire que les ménages sont victimes de la spéculation immobilière et de l'avidité des propriétaires...
Mais on peut également mettre en avant l'amélioration des conditions de logement. La qualité de l'habitat, sur le long terme, a progressé (équipements plus sophistiqués), la surface moyenne par personne est passée de 30 m2 en 1984 à 40 m2 en 2006...
On peut également rajouté d'autres dépenses "obligées" que les ménages n'avaient pas il y a quelques années: téléphone portable, abonnement internet etc...!

Source: les classes moyennes sous pression (CREDOC)

Voilà qui devrait relancer le débat...


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commentaires

P
Plusieurs questions et remarques :- Tout d'abord, il me semble que constater une augmentation du poids des classes moyennes dans la population totale ne peut avoir de sens que si l'on connaît l'origine de la population venant grossir les rangs des dites classes "moyennes" : moins de pauvres ou… moins de riches ??? (dans ce dernier cas, on comprendrait mieux le sentiment de décrochage généralisé…)- Par ailleurs, la mise en parallèles des différentes moyennes (notamment logement moyen/dépenses obligatoires moyennes/revenu moyen) me laisse toujours perplexes : un individu médian habiterait donc un 40m2 et dépenserait 557 euros pour ses charges contraintes ? Eh bien il faut supposer dans ce cas que l'individu médian habite Bourbourg ou la Corrèze, parce que pour 40m2 dans la plupart des poles urbains qui concentrent la majorité de la population française (61%), le loyer à lui seul explose déjà ce budget des dépenses obligatoires. C'est pas une nouveauté, les situations sont extrèmement différentes en fonction entre autres du lieu d'habitat, de l'éloignement plus ou moins grand du lieu de résidence au lieu de travail… peut être est-ce la "réalité statistique" qui est donc éminemment subjective ?- Enfin, même si on considère que les chiffres du credoc reflètent une réalité générale effective (malgré ces disparités des dépenses obligatoires rendant contestable toute moyennisation) , il resterait donc 3528 euros par an au "français médian" pour… ses loisirs, ses vacances, ses dépenses d'habillement, d'équipement, son épargne… euuuh… ouais, je vous fais grâce des calculs, mais ça permet en effet de partir en vacances à Berk-sur-mer, de s'habiller chez Kiabi, de s'équiper ou de renouveler ses équipements très modestement vu le taux d'obsolescence des produits mis sur le marché, et finalement d'arbitrer entre loisirs ou épargne. Sans fumer surtout (2000 euros par an, loisir de riche !)Bref, une grande partie des français disposant d'un salaire médian peut avoir, à juste titre, un sentiment sinon de pauvreté, tout au moins de vraie fragilité. 
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