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10 août 2006 4 10 /08 /août /2006 12:38
Voici la dernière partie concernant la démocratie:
après avoir vu que notre démocratie peut se définir à partir du concept de Contrat Social(partie I), qu'elle se caractérise par la séparation et l'équilibre des pouvoirs, l'état de droit et le libéralisme constitutionnel(partie II); nous allons montré qu'elle se caractérise aussi par de nouveaux types de rapports sociaux.


C / COMMENT S’ETABLISSENT LES RAPPORTS SOCIAUX EN DEMOCRATIE ?

 

Document 1 : la thèse d’Alexis de Tocqueville (1805 – 1859)

Chez les peuples aristocratiques, le pauvre est apprivoisé, dès l’enfance, avec l’idée d’être commandé. De quelque côté qu’il tourne ses regards, il voit aussitôt l’image de la hiérarchie et l’aspect de l’obéissance.

Dans les pays où règne l’inégalité permanente des conditions, le maître obtient donc aisément de ses serviteurs une obéissance prompte, complète, respectueuse et facile, parce que ceux-ci révèrent en lui non seulement le maître, mais la classe des maîtres. Il pèse donc sur leur volonté avec tout le poids de l’aristocratie. 

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Il commande leurs actes ; il dirige jusqu’à un certain point leurs pensées. Le maître, dans les aristocraties, exerce souvent, à son insu même, un prodigieux empire sur les opinions, les habitudes, les mœurs de ceux qui lui obéissent, et son influence s’étend beaucoup plus loin encore que son autorité.

Dans les sociétés aristocratiques, non seulement il y a des familles héréditaires de valets, aussi bien que des familles héréditaires de maîtres ; mais les mêmes familles de valets se fixent ; pendant plusieurs générations, à côté des mêmes familles de maîtres (ce sont comme des lignes parallèles qui ne se confondent point ni ne se séparent) ; ce qui modifie prodigieusement les rapports mutuels de ces deux ordres de personnes.

Ainsi, bien que, sous l’aristocratie, le maître et le serviteur n’aient entre eux aucune ressemblance naturelle ; que la fortune, l’éducation, les opinions, les droits les placent, au contraire, à une immense distance de l’échelle des êtres, le temps finit cependant par les lier ensemble. Une longue communauté de souvenirs les attache, et, quelque différents qu’ils soient, ils s’assimilent ; tandis que, dans les démocraties, où naturellement ils sont presque semblables, ils restent toujours étrangers l’un à l’autre.

Chez les peuples aristocratiques, le maître en vient donc à envisager ses serviteurs comme une partie inférieure et secondaire de lui-même, et il s’intéresse souvent à leur sort, par un dernier effort de l’égoïsme.

De leur côté, les serviteurs ne sont pas éloignés de se considérer sous le même point de vue, et ils s’identifient quelquefois à la personne du maître, de telle sorte qu’ils en deviennent enfin l’accessoire, à leurs propres yeux comme aux siens. 

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Dans les aristocraties, le serviteur occupe une position subordonnée, dont il ne peut sortir ; près de lui se trouve un autre homme, qui tient un rang supérieur qu’il ne peut perdre. D’un côté, l’obscurité, la pauvreté, l’obéissance à perpétuité ; de l’autre, la gloire, la richesse, le commandement à perpétuité. Ces conditions sont toujours diverses et toujours proches, et le lien qui les unit est aussi durable qu’elles mêmes (…)

L’égalité des conditions fait, du serviteur et du maître, des êtres nouveaux, et établit entre eux de nouveaux rapports.

Lorsque les conditions sont presque égales, les hommes changent sans cesse de place ; il y a encore une classe de valets et une classe de maîtres ; mais ce ne sont pas toujours les mêmes individus, ni surtout les mêmes familles qui les composent ; et il n’y a pas plus de perpétuité dans le commandement que dans l’obéissance.

Les serviteurs ne formant point un peuple à part, ils n’ont point d’usages, de préjugés ni de mœurs qui leurs soient propres ; on ne remarque pas parmi eux un certain tour d’esprit ni une façon particulière de sentir ; ils ne connaissent ni vices ni vertus d’état, mais ils partagent les lumières, les idées, les sentiments, les vertus et les vices de leurs contemporains ; et ils sont honnêtes ou fripons de la même manière que les maîtres (…)

Dans les démocraties, les serviteurs ne sont pas seulement égaux entre eux ; on peut dire qu’ils sont, en quelque sorte, les égaux de leur maître.

Pourquoi donc le premier a-t-il le droit de commander et qu’est-ce qui force le second à obéir ?

L’accord momentané et libre de leurs deux volonté. Naturellement ils ne sont point inférieurs l’un à l’autre, il ne le deviennent momentanément que par l’effet du contrat. Dans les limites du contrat, l’un est le serviteur et l’autre le maître ; en dehors, ce sont deux citoyens, deux hommes (…) les bornes précises du commandement et de l’obéissance sont aussi bien fixées dans l’esprit de l’un que dans celui de l’autre (…)

En vain la richesse et la pauvreté, le commandement et l’obéissance mettent accidentellement de grandes distances entre deux hommes, l’opinion publique, qui se fonde sur l’ordre ordinaire des choses, les rapproche du commun niveau et crée entre eux une sorte d’égalité imaginaire, en dépit de l’inégalité réelle de leurs conditions.

Cette opinion toute-puissante finit par pénétrer dans l’âme même de ceux que leur intérêt pourrait armer contre elle ; elle modifie leur jugement en même temps qu’elle subjugue leur volonté.

Au fond de leur âme, le maître et le serviteur n’aperçoivent plus entre eux de dissemblance profonde, et ils n’espèrent ni ne redoutent d’en rencontrer jamais. Ils sont donc sans mépris et sans colère, et ils ne se trouvent ni humbles ni fiers en se regardant.

Le maître juge que dans le contrat est la seule origine de son pouvoir, et le serviteur y découvre la seule cause de son obéissance. Ils ne se disputent point entre eux sur la position réciproque qu’ils occupent ; mais chacun voit aisément la sienne et s’y tient (…)

 

Il est de l'essence même des gouvernements démocratiques que l'empire de la majorité y soit absolu. S'il existait en Amérique une classe de citoyens que le législateur travaillât à dépouiller de certains avantages exclusifs, possédés pendant des siècles et voulût faire descendre d'une situation élevée pour les ramener dans les rangs de la multitude, il est probable que la minorité ne se soumettrait pas facilement à ses lois. Mais les États-Unis ayant été peuplés par des hommes égaux entre eux, il ne se trouve pas encore de dissidence naturelle et permanente entre les intérêts de leurs divers habitants.

La majorité a donc aux États-Unis une immense puissance de fait et une puissance d'opinion presque aussi grande ; et lorsqu'elle est une fois formée sur une question, il n'y a pour ainsi dire point d'obstacle qui puisse, je ne dirai pas arrêter mais même retarder sa marche, et lui laisser le temps d'écouter les plaintes de ceux qu'elle écrase en passant. Les conséquences de cet état de choses sont funestes et dangereuses pour l'avenir.

Si vous admettez qu'un homme revêtu de la toute puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n'admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? [...] Je pense qu'il faut toujours placer quelque part un pouvoir social supérieur à tous les autres mais je crois la liberté en péril lorsque ce pouvoir ne trouve devant lui aucun obstacle qui puisse retenir sa marche et lui donner le temps de se modérer lui-même.

 

Source : A de Tocqueville: De la démocratie en Amérique, 1, Col "Folio-Histoire" 1986 (1ère édition 1835).

Pour prolonger le document, rendez-vous sur le site lié à Tocqueville (cité en lien)


 

-Sa définition de la démocratie n’est pas en termes politique mais sociale: elle représente avant tout l’égalité des conditions. La passion pour l’égalité a conduit les hommes de l’âge démocratique à ne plus souffrir d’aucun privilège, quel que soit leur fondement. En ce sens la démocratie ne se pense pas contre la monarchie mais l’aristocratie:

 
société aristocratique
société démocratique
Objectif, idéal
développer la puissance et la gloire (sphère militaire)

rechercher le bien-être collectif et éviter la misère (sphère socio-économique)

principes
hiérarchisation des positions, permanence des lignées
égalisation des conditions et affirmation de l’individualisme
comportements
héroisme, souci de l’apparat
primat de la raison, recherche de la prospérité

Cette égalisation des conditions n’est pas synonyme d’égalité absolue dans tous les domaines, mais que chacun est autorisé à se dire, devant un plus riche ou un plus puissant: pourquoi lui, pourquoi pas moi, puisque tous les hommes se valent en droit ?


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-Tocqueville: les 4 caractéristiques d’un Etat social démocratique sont:

une classe moyenne nombreuse et majoritaire (“les pauvres sont en petit nombre”; “tous les individus sont à peu près égaux en lumières et en biens”)

une mobilité sociale significative (“la loi ne les a pas attachés les uns aux autres par les liens d’une misère irrémédiable et héréditaire”; “les riches sortent chaque jour du sein de la foule et y retournent sans cesse”

absence d’inégalités juridiques (“il n’existe plus de castes”) et “égalisation des conditions” (des règles de droit)

Démocratie: passion pour l’égalité + individualisme (c’est la conséquence de l’égalité, système de valeurs qui place l’individu en première place => les règles collectives doivent être définies de façon à privilégier l’exercice de la liberté individuelle) + libéralisme


Tocqueville donne à la notion de démocratie une définition plus large que la définition politique habituelle De plus, la démocratie est non seulement un Etat social, c’est aussi et surtout un état d’esprit: l’esprit d’égalité se définit comme la tendance des individus des sociétés démocratiques à se considérer comme égaux, indépendamment des inégalités réelles de situation.

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Là encore, on peut multiplier les questions: la France est-elle une société démocratique ? En effet, n'existe-t-il pas de titres de "noblesse" qui font que certains occupent des "rentes de situation": les diplômes (même si cela est de moins en moins vrai), les places figées dans la hiérarchie professionnelle, les "mandarins" de toute sorte ("les français détestent les inégalités, mais adorent les privilèges"...).

 

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commentaires

E
Impressionnant ton blog ! Chapeau !
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C
Je viens de prendre mon petit cours.. c'est bien les vacances quand on ne part pa, on peut se cultiver ... échange de savoirs ... comment va ton compost ?
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B
Un prof sur OB?au secours!lol,c une blague...de tte façon je fais pas d'SES...mais audiovisuel!<br /> Bye
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