Mais justement, mesure-t-on réellement ces progrès ?
Les économistes utilisent, pour mesurer le niveau de vie, différents indicateurs.
Le plus connu étant le PIB par habitant.
Voici, par exemple, quelques chiffres pour avoir une estimation de cette évolution:
D'après les données d'Angus Maddison (OCDE 2002), le PIB par habitant en dollars de 1990 de l'Europe Occidentale est passé d'environ 4 500 $ par an en 1950 à environ 18 000 $ par an en 2000.
On peut aussi utiliser un autre indicateur économique: le prix réel.
Autrement, quel nombre d'heures de travail faut-il fournir pour pouvoir s'acheter ce bien ou ce service ?
Voici deux exemples très différents:
Exemple 1: Jean Fourastié, dans son ouvrage "Les Trentes Glorieuses", Fayard 1979, utilise la comparaison entre Madère et Cessac (un village en 1946, le même village en 1975 et en 2002) pour montrer le chemin parcouru.
Madère (France 1946) Cessac (France 1975) Douelle (France 2002)
1 kg de pain 24 min 10 min 15 min
1 kg de sucre 45 min 13 min 9 min
1 kg de beurre 7 h 1 h 25 42 min
1 kg de poulet 8 h 45 min 33 min
Exemple 2: tiré du blog de Claude Bordes déjà cité (l'Antisophiste): il s'agit du plus important catalogue de vente par correspondance aux Etats-Unis:

Là encore, on mesure l'ampleur des évolutions sur un siècle.
Et pourtant, cela reste très contestable. Ces chiffres nous disent seulement ce qu’on pourrait obtenir aujourd’hui en affectant notre revenu aux biens et services qui existaient un siècle plus tôt. Or, bien des choses que nous produisons et consommons de nos jours n’existaient pas à l’époque !
La corne d'abondance
Dans Looking Backward, un roman d’Edward Bellamy écrit dans les années 1890, Le héros se trouve brutalement précipité en l’an 2000.
A un moment donné, comme son hôte lui demande : "Voulez-vous écouter un peu de musique ?", il s’attend à le voir s’installer au piano.
C’est qu’à l’époque, pour écouter de la musique à la demande, il fallait disposer d’un piano à proximité, et de quelqu’un pour en jouer. Fantaisie qui eut coûté, en ce temps là, une pleine année de salaire au travailleur américain moyen (voir les chiffres du tableau 1 piano = 2 400 heures de travail, sans compter qu'il faut aussi payer des heures de cours pour apprendre à en jouer...)
Aujourd'hui, le prix réel de ce piano est passé à 1 100 heures de travail soit une baisse de 50 %. Donc, on pourrait dire que notre niveau de vie (sur cet objet là) a été multiplié par 2 (puisqu'il faut deux fois moins d'heures pour pouvoir s'en acheter un).
Mais est-ce le piano qui nous intéresse ici ou le besoin d'écouter de la musique ? C'est évidemment la possibilité d'écouter la musique qui compte.
Donc une bonne chaine hi-fi ne coûte que 200 à 250 $; ce qui représente 10 heures de travail. Soit une division par 240.
Par conséquent, si l’on veut mesurer la croissance du niveau de vie, doit-on s’en tenir à la baisse de moitié du prix réel du piano ? Ou bien doit-on plutôt prendre en compte la division par 240 du prix qu’il en coûte pour écouter de la musique ?
Il ne fait donc aucun doute que les statistiques historiques ne peuvent pas prendre en compte toute la complexité de ces évolutions, elles peuvent donc sous-estimer l’ampleur de la croissance économique au 20ème siècle.
Sources : Slouching toward Utopia, le cours d’histoire économique de Bradford De Long, professeur à Berkeley et l'Antisophiste de Claude Bordes (déjà cité).
Evidemment, surgit une autre question:
certes, sur le long terme, la quantité de richesses dont nous disposons a beaucoup augmenté (grâce à la croissance économique)...
Sommes nous plus heureux, plus satisfait pour autant ?
Réponse avec le prochain billet ....
pour prolonger sur l'actualité plus récente du pouvoir d'achat, lien ici