Cette question intéresse évidemment les sciences sociales:
l'économie d'abord parce que l'une des finalités de cette science est la satisfaction des besoins en luttant contre la rareté, la sociologie ensuite parce que la quête du bonheur et du bien être devient central aujourd'hui.
Voici quelques apports des sciences économiques et sociales.
On connaît le dicton "l'argent ne fait pas le bonheur"..."surtout quand on en manque" avait écrit Alexandre Vialatte.
Les études de Ronald Inglehart (professeur au centre d'études politiques de Chicago) intitulées "World values survey" permettent d'y voir un peu plus clair à ce sujet.


Richard Layard, Happiness : has social science a clue ?, London School
of Economics (mars 2003)
Il y a bien un lien entre richesse et bien être:
- les indices de satisfaction sont plus élevés dans les pays riches que dans les pays pauvres,
- la croissance du niveau de vie aux Etats-Unis dans l'après guerre jusqu'aux années 1960 est corrélée avec une hausse du % de personnes se déclarant satisfaites de leur vie.
Pour autant, le lien n'est pas systèmatique:
- certains pays ont des niveaux de vie identiques alors que leur indice de bien être est très différent;
- la croissance du niveau de vie aux Etats-Unis à partir des années 1960 ne coincide plus avec une élévation du bien être. D'autres enquêtes confirment ces tendances.
Pour l'anecdote (car je sais que vous adorez cela) une étude britannique de 2004 menée auprès de 249 gagnants du Loto révèle que 50 % d'entre eux se déclarent plus heureux qu'auparavant, 2 % se sentent moins heureux et 48 % ne voient pas de changement (!). Pour en savoir plus ( sciences humaines octobre 2006 : l'argent fait-il le bonheur ?)
Pour en savoir plus:
le site de world values survey ici
le site sur le Bonheur National Brut (avec vidéo) ici
quels sont les pays où on est le plus heureux ? ici
Tout le bonheur du monde ici

Que retenir de ce schéma ?
1 / Pour satisfaire les besoins élémentaires, l'argent est évidemment très important.
Le problème, c'est que l'on pense que l'argent est tout aussi nécessaire pour monter dans la satisfaction de besoins de moins en moins élémentaires. Comme disait Alain Souchon, "on nous fait croire que le bonheur, c'est d'avoir" (Foule Sentimentale).
2 / Le niveau des aspirations s'élève avec le revenu: lorsque le niveau de vie est faible, la satisfaction des besoins matériels est l'objectif central. Avec la hausse des richesses par personne, l'individu souhaite satisfaire des besoins de moins en moins "matériels".
3 / la perception du sentiment de bien être dépend surtout de la place relative de l'individu dans l'échelle des revenus: Si je gagne 1 500 ? alors que les gens de mon âge n'en gagnent que 1 000, je trouve ma situation plus enviable que si je gagnais 2 000 ? alors que les autres sont à 4 000 ?
D'autre part, plus de richesses produites par habitant ne signifie pas mécaniquement plus de bien être (même matériel).
Pour les économistes, le principal indicateur de croissance économique est le PIB. Or le PIB compte souvent comme des gains (de la richesse en plus) des choses qui rendent les gens plus malheureux. Deux exemples concrets:
- Lorsque la criminalité augmente, l'accroissement des dépenses en systèmes de surveillance, alarmes antivol, armes à feu et bombes anti-agression contribue à la croissance du PIB. Mais les gens sont moins heureux parce qu'ils se sentent moins en sécurité.
- Le nombre croissant de dépressions (en France, nous sommes parmi les plus gros consommateurs d'anti-dépresseur, somnifères...) vient grossir le PIB en raison des sommes considérables dépensées en antidépresseurs et en psychothérapie. Or cela nuit énormément à l'estime de soi.
Si la croissance économique n'apporte pas nécessairement plus de bien être, et si elle contribue à accroître les inégalités, à détruire la planète par la pollution et les gaspillages qu'elle engendre... certains n'hésitent pas à remettre en cause la croissance comme objectif de nos sociétés.
pour lire l'article en entier cliquez ici
il y a même un parti de la décroissance cliquez ici
Je signale un bon lien concernant la décroissance ici
Certes, tout le monde ne peut être que d'accord avec les quelques idées énoncées. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, des dérives sont possibles: la décroissance me gène lorsqu'elle est se veut anti-technologique (qui me paraît bien stérile) , lorsqu'elle se veut anti-économique.
Sur tous ces aspects, j'ai trouvé un blog extrêmement pertinent d'un collègue de sciences économiques et sociales, militant écologiste cliquez ici qui est très critique envers la décroissance)
En conclusion (évidemment toute provisoire, d'autant plus qu'aucun argument d'ordre philosophique est venu étayer cette petite démonstration), au-delà d'un certain seuil, il ne suffit pas de gagner plus d'argent pour être heureux, mais de savoir utiliser les ressources (l'argent, le temps) pour satisfaire d'autres besoins moins matériels:
L?argent permet d?acheter
une maison, mais pas un foyer
un lit, mais pas le sommeil
une horloge, mais pas le temps
des livres, mais pas la connaissance
des médicaments, mais pas la santé