Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 octobre 2006 7 08 /10 /octobre /2006 09:15

Voici une blague d'un prix nobel d'économie, professeur à Stanford, Paul Romer

(citée par Claude Bordes, un éminent collègue de SES, dont j'avais déjà recommandé son site l'Antisophiste)

Un samedi, un docteur, un pasteur, et un économiste patientaient sur le parcours de golf.

Juste devant eux, un groupe s'évertuait  à jouer au golf : ils étaient si maladroits que leurs balles se perdaient, partaient dans toutes les directions, et ils avaient un mal fou à les retrouver.


Dégoûtés, las d'attendre, nos trois amis s'en retournent au clubhouse, non sans laisser tomber quelques commentaires peu flatteurs à l'adresse des importuns.

     - le docteur suggéra qu'ils commencent par prendre des leçons,

     - le pasteur proposa que, la prochaine fois, ils réservent en semaine,

     - l'économiste observa qu'il faut être sans vergogne pour se présenter sur un parcours  en jouant si mal...

Au clubhouse, ils avisent le directeur et lui font vertement part de leur mécontentement.

Et le directeur répondit : « mais n'avez-vous pas vu les panneaux ? Aujourd'hui est un jour réservé aux athlètes handicapés... Ces gens devant vous étaient aveugles ! »

 - le docteur regrettait ses propos et promit de donner 5 000 $ pour cette bonne cause.

 - le pasteur fut submergé par la honte et promit au directeur de donner un peu de son temps pour accompagner ces personnes sur le parcours.

Tous se tournèrent alors vers l'économiste.

Après un silence, ce dernier observa : « Ne serait-il pas plus efficient de faire jouer ces gens la nuit ? »


Cette anecdote (dont je sais que vous êtes friands, si, si...) me permet d'aborder deux éléments de réflexion qui me paraissent essentiels autour de la notion de risque et de rationalité.


Risque et Gain


Paul Romer montre que l'économie est la science des choix:

Comme il y a rarement des choix idéaux, parfaits (c'est-à-dire des décisions qui n'entrainent aucun coût, aucun désagrément pour celui ou celle qui l'a prend), il faut être capable d'accepter quelque chose de mauvais pour pouvoir espérer obtenir quelque chose de bon.

C'est l'arbitrage entre le risque à prendre et le rendement escompté:

on ne peut obtenir des gains élevés sans prendre quelques risques.


Application n°1 :  L'innovation

J. Schumpeter l'a bien montré avec l'entrepreneur-innovateur, qui, parce qu'il sort des sentiers battus, parce qu'il va là où personne n'est allé, innove, prend des risques et peut, si son innovation rencontre des débouchés, obtenir des profits élevés. Mais, évidemment, il n'y a pas de garantie, le risque est très élevé.


Application n°2: L'orientation

L'orientation est un choix très délicat parce que risqué:

- on peut se tromper de filière : on choisit le droit ou la comptabilité alors qu'on n'a jamais pratiqué ces disciplines. On aime les langues, mais les cours d'anglais ou d'espagnol enseignés à l'université

- on peut avoir peur de prendre le risque de ne pas être à la hauteur : par exemple pour les filières très sélectives comme les classes préparatoires.

- on peut aussi douter des débouchés de certaines filières engorgées (psychologie, STAPS...)


Ne pas prendre de risques serait alors:

- choisir des filières qui correspondent à des matières dans lesquelles vous réussissez.

Problème: elles ne sont pas nombreuses. En effet, il n'y a pas de SES dans le supérieur (telles qu'elles sont enseignées au Lycée), il n'y a pas non plus d'Histoire- Géographie mais une faculté d'Histoire et une faculté de Géographie. Mathématiques et Philosophie sont des matières enseignées dans le secondaire et le supérieur, mais si vous avez un bac ES, vous serez confrontés avec des S (maths) ou des L (philo). Les cours de langues à l'université ne sont pas l'équivalent des cours de langues dans le secondaire, etc...

- choisir des filières dans lesquelles vous êtes sûr(e) de réussir.

 Vous pourriez doublement le regretter: si on sait déjà faire ce que l'on nous propose, à quoi bon ? Ah si vous aviez su, vous auriez pu viser un peu plus haut (combien d'anciens élèves, étudiants ont ce sentiment...)

- choisir des filières où on vous dit qu'il y a des débouchés.

Mais connait-on réellement les débouchés à l'avance ? Ici, le moyen terme est 2 à 5 ans après le bac. On peut avoir des tendances, mais il faut prendre garde: pendant des années, on a vanté les débouchés dans certains secteurs...qui se sont trouvés engorgés !

 



On le voit, il va falloir vivre avec ces risques. Comment alors faire le ou les choix face à ces risques connus, alors que les satisfactions paraissent plus aléatoires, incertaines ?



Rationalité contre affectivité.


L'autre aspect intéressant, c'est que, dans l'anecdote de Paul Romer, l'économie doit  nous permettre de mieux mobiliser notre rationnalité.

On le voit ici, le pasteur et le docteur, lorsqu'ils apprennent la nouvelle, agissent sous le coup de l'émotion. L'économiste met en avant sa rationnalité . Il ne s'agit pas de mettre de côté nos sentiments, nos instincts mais de ne pas agir uniquement en fonction de ceux-ci (la publicité, le commerce savent très bien comment exploiter cette façon d'agir "coup de coeur").

Revenons aux risques et aux choix à prendre:  le risque ne doit pas être craint ou adulé (registre de l'émotion). Il y certes souvent de bonnes justifications à réagir de la sorte.

Par exemple,  la peur de perdre son emploi à cause du progrès technique: c'est l'histoire du mouvement des Luddites. Ce sont des mouvements d'ouvriers au début du XIXème siècle qui brûlèrent des métiers à tisser parce qu'ils pensèrent que le progrès technique allait anéantir l'emploi dans le secteur textile en Angleterre. On sait ce qu'il en est advenu...





Il ne s'agit pas de prendre tous les risques n'importe comment, mais bien d'évaluer, d'estimer à-priori les coûts et les avantages de prendre telle ou telle risque, donc  de rationaliser autant que faire ce peut le risque.

Ce qui ne signifie pas l'élimination du risque (par des calculs savants, on arriverait à mettre l'avenir en équation), mais une maitrise relative (notre rationnalité est forcément limitée, nous ne pouvons pas prétendre connaître toutes les données du pari).



Conclusion: si nous refusons de prendre des risques, alors  nous reproduirons à l'identique ce que nous savons faire...donc nous n'évoluerons pas.

L'innovation a été source de croissance économique: il n'est pas possible de créer plus de richesses en reprenant les recettes d'autrefois. C'est aussi valable dans d'autres domaines...



Partager cet article
Repost0

commentaires

C
c'est limpide je me mets à jouer au golf demain lol<br />  <br />  <br /> c'est pas vraiment gagné pour moi<br />  
Répondre
C
Ah ! Excellent article à graver dans le marbre .... A faire lire d'urgence : aux parents qui pensent que l'école ne fait rien pour aider leurs petits à trouver un boulot, aux élèves qui de peur de se tromper de voie n'osent plus rien entreprendre, aux "entrepreneurs" qui ne voient dans l'école qu'un centre de tri et d'adaptation en direction de leurs boites, aux politiques qui souhaitent avant tout une rentabilisation de l'école ...<br /> Encore une fois .... Merci Moebius !
Répondre

Présentation

  • : S.O.S... S.E.S ? ... Je blogue !
  • : Pour redonner du sens aux mutations économiques et sociales, des articles et des liens liés aux sciences économiques et sociales, aux débats actuels.
  • Contact

Qui c'est ?...


 

blog-SOS.JPG


Un blog ... Pourquoi faire ?

- vous faire découvrir les S.E.S.
  (sciences économiques et sociales),

- partager mes découvertes sur le web 2.0.

- donner mes réflexions sur ma pratique d'enseignant





  Performancing Metrics

Recherchez

Bien dit !...

 
Collaboration-I-Print-C10065769.jpeg

 Abonnez-vous aux Flux RSS
en cliquant juste en dessous





Si tu veux changer le monde,

Sois le changement


Gandhi



kandinsky.comp8.jpg

Wassily Kandinsky
"Composition VIII"

Je n'ai pas de talents particuliers. 

Je suis juste passionnément curieux.

 

Albert Einstein


Pieter Brueghel

"La Tour de Babel"




" C'est vieux comme le monde, la nouveauté "
Jacques Prévert


Hebergement gratuit d image et photo

Alberto Giacometti

"Annette dans le studio"



 

blogasty BlogoMetrie 2.0 web stats

 
paperblog member

Blogomémoire