Robert avait l'habitude de boire son café du matin au café du Commerce, le "caf'com" comme il le surnomme.
C'est l'endroit où l'on peut se réchauffer et discuter le bout de gras avec les autres.
Et croyez moi, les discussions sont acharnées: entre Robert, Marcel, Gilbert, Kader et Antonio, ils sont tous des experts économiques.
Chacun se sait le mieux placé pour discuter des causes du chômage et proposer des solutions définitives.
Extraits choisis:
- Moi, j'vous dis, on est écrasé par les charges et les impôts. Des milliards d'impôts, de taxes... j'appelle plus ça un budget, mais une attaque à main armée... Le jour approche où je n'aurais plus que l'impôt sur les os. J'vous voudrais bien prendre un gars en plus, il y aurait du boulot, vieux, avec tous les nouveaux clients qui viennent... dit Maurice, le patron du caf'com.
- ben pourquoi tu le fais pas ? lui répond Kader, propriétaire d'un bazar au coin de la rue.
- (Maurice) Tu rigoles ou quoi ? Si j'embauche un serveur en plus, ce qu'il me rapporte ne compensera pas ce qu'il va me coûter en salaires et en charges.
Mon bénèf est en plein chancelique, la TVA me suce le sang et t'as vu, ils augmentent encore la CSG, comment veux-tu que j'fasse ?...J'ai calculé, j'en aurais à peine pour cinq piges. J'aurais 60 balais et pis tchao, j'arrête...
- Et ben voilà... ça c'est la France: on vous décourage d'embaucher surenchérit Gilbert, cadre supérieur chez Ata.
Moi je trouverais normal qu'avec 3 millions de chômeurs, on puisse embaucher à des salaires plus bas. Par contre, lorsque les affaires repartent et que t'as du mal à recruter, les salaires doivent monter pour attirer la main d'oeuvre. C'est réglo, non ?
- Et l'autre , tu te vois avec une année un salaire élevé et l'année suivante en gagnant 30 % de moins ? Tu délires ou quoi, on n'est pas corvéable à merci... Maurice tu m'en remets un s'énerve Robert, ouvrier métallo, 30 ans syndiqué à la BTP...
Parce que j'aime autant te dire que Gilbert, avec tes costumes noirs tissés en Indonésie et tes pompes à l'Italienne fabriquées à Grenoble, hé bien t'es qu'un de ses cadres qui à cinquante balais vont se faire virer comme des malpropres...
- ( Gilbert) J'ai été enfant de chœur, militant des PCUDFUMPS , et pilier de bar. C'est dire si j'en ai entendu des conneries...
Hé oui Hé oui, mon vieux, s'il y a du chômage, c'est aussi parce que les syndicats comme le tien font tout pour empêcher les patrons de faire leur boulot...
Si... Si... Dès qu'un patron propose un salaire plus faible ou qui n'augmente plus, vous le menacez de grève.
J'ai discuté avec Wilfried qui a vécu aux States, ben crois moi, là bas, ils hésitent pas: lorsque les affaires vont mal, les boites licencient à tour de bras... et ils ont le plein emploi, eux...
- (Kader) Moi, ce qui me gène, c'est qu'il n'y a plus la clientèle d'avant: celle du dimanche après -midi, qui se promenait en famille, ils achetaient des souvenirs, des gadgets à deux francs six sous. Trois fois rien, mais cela faisait vivre le p'tit commerce. Les gamins étaient heureux avec leur pistolet à eau, les parents envoyaient une carte postale à des cousins pendant que la grand-mère finissait sa boite de chocolat sur le banc. Aujourd'hui, il y a la télé, internet, les jeux vidéos, et avec des salaires faibles, avec la crise, les gens achètent moins qu'avant, ils y regardent à deux fois...
- (Maurice) Ouais, en plus, faut dire que les gars, y se la jouent cool: je discutais avec mon beau frère de Grenoble, il me disait qu'il connaissait un gars qui rien foutu depuis 5 ans et qui touche quasiment autant que moi en bossant.
la volonté de bosser , c'est comme la sainte vierge, il faut l'avoir de temps en temps, pour y croire...
- (Robert) Ca c'est sûr que les jeunes, y veulent plus bosser, y préfèrent toucher les aides... Moi à leur âge, même pour une bouchée de pain j'aurais travailler... Pour sûr... Plutôt travailler que rester au chômage.
- Ah non les gars, ça va pas recommencer là... s'énerve Antonio, ancien ouvrier mécanicien au chômage.
Vous êtes lourds à la fin: moi ça fait 15 mois que je cherche du boulot dans la mécanique. 15 mois où ma femme me prend la tête pour que j'me lève et me rase tout les matins au cas où l'occaze se présenterait. Alors vos discours sur les chômeurs fainéants, merci...
- (Maurice) Ouais, mais Antonio, toi t'es pas pareil...Bon, les gars, j'vous la sers la tournée ?
Antonio, t'as pas connu l'ancien temps, à l'usine de Framiot... Il y avait, allez, on va dire 300 mecs qui bossaient dur. Fallait voir les fumées et la chaleur qu'il y avait là-dedans...Moi j'dis que là où avant il mettait trois ouvriers pour faire le boulot, il n'en faut plus qu'un aujourd'hui... et si ça continue, on n'embauchera plus personne: j'ai vu un reportage à la télé sur une usine sans ouvriers, rien que des robots...
- (Robert) Hé non mais attends, Maurice...Tu sais pourquoi ils ont fermé l'usine de Frémionne ? C'est pour aller produire en Pologne parce que ça coûte moins cher et pour s'en mettre plein les poches. Le résultat, il est là: les actionnaires ont ramassé le pactole, et t'as 150 gars sur le carreau. La voilà la cause du chômage.
A suivre...
Dans un prochain épisode, d'autres personnages et d'autres causes du chômage seront mises en avant...
Avez-vous repéré toutes les causes du chômage énoncées par les personnages ?