Entendons nous bien: il est hors de question de nous plaindre, je refuse les interprétations psychologisantes (type: les profs sont mal aimés etc...).
Je veux simplement décrire quelques conditions de travail d'un métier qui, 15 ans après, continue de me passionner.
Arrêtons les fantasmes et les postures, essayons d'avancer.
Bon alors, si on prend mon cas personnel (soyons concret ! ), après 16 d'ancienneté, je gagne environ 2 300 euros nets par mois.
Voici des exemples tirés du site ministériel de l'éducation nationale (education.gouv)
Situation | Salaire mensuel net minimum | Salaire mensuel net maximum |
---|---|---|
Stagiaire | 1 300 € | 1 300 € |
Après 2 ans de carrière | 1 550 € | 1 550 € |
Après 10 ans de carrière | 1 740 € | 1 845 € |
Après 20 ans de carrière | 2 282 € | 2 454 € |
Après 30 ans de carrière | 2 454 € | 2 921 € |
Ces chiffres, si on veut leur donner du sens, il faut les mettre en perspective, les comparer avec d'autres données:
Par conséquent, mon salaire est 15 à 20 % au dessus du salaire moyen.
En même temps, quand on regarde le niveau de qualification, les enseignants sont parmi les actifs ayant le plus de diplômes.
Salaire annuel d'un enseignant du premier degré après 15 ans d'ancienneté :
. en France : 27297 euros
. en Espagne : 31908 euros
. au Royaume-uni : 36918 euros
. en Allemagne : 41209 euros
dans le second degré:
- en France: 29 769 euros
- en Allemagne: 45 554 euros
- au Royaume-Uni: 36 916 euros
- aux Etats-Unis: 36 916 euros
- au Portugal: 27 776 euros
Il n'y a pas besoin de tenir de longs discours, les salaires des enseignants en France ne se situent pas dans le haut de l'échelle salariale européenne.
Voici un autre document pour comparer (lecture en indice base 100: le PIB par habitant. Exemple: si l'indice du salaire des enseignants est de 120, cela signifie que leur salaire est 20 % au-dessus du revenu par habitant)


Aujourd'hui, il y a des tentatives de réformes pour améliorer l'efficacité du service public, notamment par le biais de la grille salariale: la prime à la performance.
Il s'agit d'inciter les fonctionnaires à être optimal alors qu'un salaire à l'ancienneté, par son égalitarisme, ne distingue pas le travail efficace du travail bâclé. Sur le papier, on peut approuver le principe (ne l'applique-t-on pas dans nos cours: l'élève qui a travaillé doit avoir une meilleure note que celui qui n'a rien fait).
Dans la réalité, les choses sont beaucoup plus délicates.
Prenons un cas concret.
Si l'on décide de fixer une partie de ma rémunération aux résultats des élèves (par exemple réussite aux examens), quelle sera mon attitude ? En seconde, je ne fais passer que les meilleurs élèves pour être certain qu'ils auront leurs examens deux ans plus tard (stratégie des lycées élitistes qui ont 99 ou 100 % de réussite au bac). Suis-je un professeur méritant ? Aurais-je rempli ma mission de service public ?

Le raisonnement est le suivant:
le citoyen est un usager du service public, non un client (c'est-à-dire un individu qui dispose d'une encaisse monétaire suffisante pour pouvoir acheter le bien ou service en question).
Par conséquent, le citoyen ne peut pas simplement acheter un bien ou un service fini. Il coproduit le service public avec le fonctionnaire (c'est autant moi que les élèves qui font le cours et sa qualité).
Juger la performance du fonctionnaire, c'est donc juger d'un même mouvement celle des usagers en général, mais aussi de chaque usager particulier. un « bon résultat » vient du travail de l'enseignant ou de celui des élèves. La distinction n'est pas opératoire, il s'agit bien d'une coproduction, d'un travail en commun où la productivité de l'un dépend de celle de l'autre.
Alors ?
Il ne s'agit pas de ne rien faire et de justifier un certain immobilisme. Mais appliquer des méthodes dites de "bon sens" me paraît mal connaître la réalité de nos activités. Il faut être beaucoup plus ambitieux et s'en donner les moyens humains, matériels et organisationnels.
C'est un peu, il me semble, ce qui fait défaut à l'Education Nationale...
Qui souhaite rentrer dans la carrière ?
Pour quelles raisons ?
Etes-vous prêt(e) à la logique de la performance ?
Préférez-vous le système de la carrière à l'ancienneté ?