Parmi les nombreuses idées reçues, il y en a une qui a la vie dure.
Clément, il y a quelques temps, sur son blog, a trouvé un très bon lien sur les français vu par les américains.
Parmi les caricatures du New Yorker,celle-ci a particulièrement retenu mon attention:
Ah, la France râleuse, toujours à contester, à critiquer...
les grèves qui paralysent le pays et l'économie...
Nous avons tous des représentations du monde social qui nous entoure, des savoirs spontanés, des "cela va de soi" qui sont très pratiques pour nous forger spontanément une grille de lecture de la réalité...
Voici rapidement ce que l'on peut montrer concernant le sujet.
Évolution du nombre de jours de grève en France, hors fonction publique
(Nombre de journées individuelles non travaillées)

source: l'état de la france, la Découverte, 2000
Tiens, je vois que vos certitudes commencent à vaciller:
le nombre de journées individuelles non travaillées a connu une chute spectaculaire depuis la crise économique ...
Bon, certains seront encore dans le doute (si, si, j'en connais...).
Enfonçons le clou:
Voici un deuxième graphique, qui prend en compte les données plus récentes, et surtout qui nous compare aux autres pays européens:
Classement de 25 pays par conflictualité décroissante (1998-2004)
source (ici)

Je crois qu'il faut vous asseoir... le choc est rude:
Quoi ? Nous ne serions que 11 ème (en dessous de la moyenne européenne), pire encore, c'est un pays nordique, réputé pour sa cohésion sociale, sa capacité à la négociation collective qui connait la plus forte conflictualité sociale...
Que de préjugés en brêche...
J'ai fait deux petits tests auprès des élèves:
- une estimation du taux de pauvreté en France ? Leur réponse: 40 %.
Les statistiques montrent que le taux de pauvreté varie entre 10 et 15 % selon l'indicateur retenu.
- une estimation du nombre d'ouvriers en France ? Leur réponse: 2 millions. La dernière enquête de l'INSEE ici montre qu'il y a encore près de 6 millions d'ouvriers en France...
Beaucoup d'entre eux ont été surpris de l'écart entre ce qu'il pensait savoir - leur perception- et la réalité.
C'est bien le problème: le rôle des médias est d'informer, pas de véhiculer des fausses évidences (comme un éminent confrère le montre encore ici et là...). Evidemment, ce n'est pas le cas de tous les grands médias...
C'est ici que j'ai fait un petit couplet sur le rôle de l'école, la nécessité d'avoir une démarche scientifique (osons-le mot) pour étudier un problème.
Entendons-nous bien: chacun a des représentations de l'environnement dans lequel il vit. Ces représentations sont fortes; ce sont les nôtres, nous les avons construites et donc nous pouvons facilement les mobiliser spontanément au cours d'une discussion... Elles ont donc leur intérêt.
Mais lorsque nous sommes en position d'étudier, d'analyser, d'informer lors d'un exposé, d'un examen, ces représentations posent de sérieux problèmes.
Elles ne peuvent, on le voit bien, servir de fondations à des analyses ou à des interprétations scientifiques...D'où les faux débats, les discussions qui ne mènent à rien, les exposés "bateaux"...
Vous en connaissez sûrement des fausses évidences... non ?