30 janvier 2007
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Un sondage du Monde montre que l'économie intéresse les français, pourtant ils avouent comprendre mal les mécanismes économiques. Regardons dans le détail cette enquête d'opinion, essayons d'avancer quelques éléments d'explication et risquons-nous à quelques propositions pour aujourd'hui...
Dans le Monde du Mardi 30 Janvier 2007, une enquête d'opinion réalisée par la SOFRES auprès d'un échantillon de 1 000 personnes représentatives de la population française âgée de 15 ans et plus montre que:
59 % s'intéressent surtout à la politique économique, 48 % à la vie
des entreprises, 33 % aux échanges économiques internationaux et
seulement 18 % à la bourse.
60 % déclarent que ceux qui doivent faire des efforts pour aider à mieux
comprendre l'économie et ses enjeux sont les responsables politiques.

Evidemment, il faut prendre avec prudence les données de cette enquête.
Il faut savoir qu'à l'arrière plan, certains peuvent se servir des enquêtes d'opinion pour légitimer leurs thèses bien connues : les français sont nuls en économie, c'est parce qu'ils ne comprennent rien qu'ils ont peur, qu'ils refusent dans l'ordre: la mondialisation, l'entreprise, le traité de la Constitution européenne etc...
Certains n'hésitent pas non plus pour mettre en accusation les enseignants qu seraient trop marxistes, tout comme les programmes (la preuve ici et aussi ici ).
J'ai donc tendance à me méfier des usages idéologiques divers que les pouvoirs peuvent faire de ces enquêtes.
Néanmoins, on peut partir de ce constat : de l'intérêt pour l'économie, mais des difficultés de compréhension.
A titre personnel, pour avoir animer des débats, j'ai souvent été frappé par des raisonnements caricaturaux en matière économique tenus par des personnes de bonne foi.
Un exemple ? J'expliquais qu'en économie, il était tout à fait normal que des emplois disparaissent parce qu'ils ne correspondent plus à l'état du marché et / ou de la société. le problème n'est pas de savoir s'il fallait ou non empêcher la disparition des conducteurs de diligences mais de créer les nouveaux emplois et de faire en sorte que les mutations soient les moins douloureuses possibles.
Une dame a commencé à s'emporter, me traitant presque de suppôt du Grand Capital (oui, je caricature) pour soutenir l'idée que les vieux métiers, cela avait du bon...Les bras m'en tombent...
Un autre exemple ? Le discours-leitmotiv qui sert d'explication passe-partout: Mais mon bon monsieur, s'il n'y avait pas les 35 heures, alors il n'y aurait moins de chômage, la valeur travail serait restaurée etc... Cela tourne court très vite puisqu'on est dans l'idéologie, la caricature... D'autres expliquaient la défaite de 1940 par les congés payés de 1936, la crise économique de 1974 par la hausse des prix du pétrole, etc...
Dépassons le stade descriptif de l'enquête d'opinion et essayons d'apporter quelques éléments d'explications possibles:
De plus, l'économie n'est enseignée qu'en seconde en tant qu'option: il n'y a que 16 % des élèves de seconde qui vont en Première E.S. (économique et sociale). En rajoutant les élèves de STG (filière économie-gestion), on arrive au maximum à 30 % des lycéens.
Donc 70 % des élèves n'ont jamais reçu d'enseignement d'économie. Ce chiffre est critiquable parce que d'autres matières (je pense à l'histoire-géographie), d'autres sections (SMS: sciences médico-sociales) peuvent étudier des objets qui sont du ressort de l'économie.
Certes, on va me répondre:
1 / c'est un coût trop élevé...
2 / à ce moment là, il faudrait aussi faire du droit, et d'autres disciplines tout aussi importantes et intéressantes pour l'honnête homme du XXIe
3 / les médias sont là pour nous aider et nous intéresser: les émissions de télé, la presse économique, les livres... On ne peut pas tout mâcher et demander à l'Etat (tradition bien française) de tout faire.
Je comprends ces objections mais
1/ C'est un avis personnel, je trouve que la qualité des émissions s'est dégradée. On reste dans l'anecdote, le témoignage: c'est le cas de beaucoup de reportages type Envoyé Spécial, ou alors on verse dans "la success-story..": je pense à Capital sur M6...
J'exploite beaucoup moins ces émissions en classe car je n'y trouve plus mon compte. Au début, ces émissions faisaient preuve de plus de pédagogie.
Bon je sais, je reporte la faute sur les médias (air connu), et c'est un discours "avant, c'était mieux" (re-air connu).
2 / Les débats télévisés ou les émissions politiques sont vraiment décevants.
On a :
- un homme politique qui s'enferme dans son discours, il fait de la communication et non de la pédagogie.
- en face de lui un(e) journaliste qui ne lui apporte que très rarement la contradiction en matière économique. N'y-a-t-il plus de journaliste expert en économie ? Je n'ose le croire...
- Et puis le public, ce fameux public censé représenté "le peuple". C'est toujours le même barnum télévisuel: le chef d'entreprise jeune et dynamique qui croit en l'avenir (mais il y a trop de charges, trop d'impôts, trop de réglements...), le jeune des banlieues qui est en révolte contre la société (et surtout les flics, le ministre de l'Intérieur, les patrons, les profs...), la mère de famille qui connait les réalités concrètes (je gère un budget, je connais le prix de la baguette, etc...)
Résultat: chacun expose son point de vue, pas de pédagogie, pas de données chiffrées (non, non, c'est trop compliqué, on peut leur faire dire ce qu'on veut à vos chiffres), des réponses courtes et simplistes (on ne peut pas travailler moins et gagner plus...)

3 / je trouve que le manque de connaissances en économie et en sciences sociales pose sérieusement des problèmes pour faire des études. Beaucoup d'élèves s'accrochent à des raisonnements qui constituent des blocages:
- l'argent, c'est pas bien :retournons au troc ! on verra si c'est un progrès...
- le pouvoir, c'est mal : vous connaissez des organisations sociales sans pouvoir ?
- je fais ce qui me plait, on est libre. Le problème est que cela revient à nier toute influence sociale sur chaque individu.
- il n'y a qu'à changer les mentalités: comme si "les mentalités" étaient une sorte de combinaison que l'on peut facilement enlever pour en mettre une autre... Il s'agit ici d'une méconnaissance des mécanismes liés aux processus de socialisation et aux phénomènes culturels.
Maintenant, si vous avez d'autres propositions ou des critiques à faire, je suis preneur...
Dans le Monde du Mardi 30 Janvier 2007, une enquête d'opinion réalisée par la SOFRES auprès d'un échantillon de 1 000 personnes représentatives de la population française âgée de 15 ans et plus montre que:
68 % des sondés déclarent qu'ils s'intéressent beaucoup ou assez à l'économie (9 % déclarent ne pas s'y intéresser beaucoup).
59 % s'intéressent surtout à la politique économique, 48 % à la vie
des entreprises, 33 % aux échanges économiques internationaux et
seulement 18 % à la bourse.
50 % déclarent qu'ils comprennent mal les mécanismes économiques ( 11 % déclarent très mal comprendre contre 6 % qui déclarent très bien comprendre)
60 % déclarent que ceux qui doivent faire des efforts pour aider à mieux
comprendre l'économie et ses enjeux sont les responsables politiques.

Evidemment, il faut prendre avec prudence les données de cette enquête.
Il faut savoir qu'à l'arrière plan, certains peuvent se servir des enquêtes d'opinion pour légitimer leurs thèses bien connues : les français sont nuls en économie, c'est parce qu'ils ne comprennent rien qu'ils ont peur, qu'ils refusent dans l'ordre: la mondialisation, l'entreprise, le traité de la Constitution européenne etc...
Certains n'hésitent pas non plus pour mettre en accusation les enseignants qu seraient trop marxistes, tout comme les programmes (la preuve ici et aussi ici ).
J'ai donc tendance à me méfier des usages idéologiques divers que les pouvoirs peuvent faire de ces enquêtes.
Néanmoins, on peut partir de ce constat : de l'intérêt pour l'économie, mais des difficultés de compréhension.
A titre personnel, pour avoir animer des débats, j'ai souvent été frappé par des raisonnements caricaturaux en matière économique tenus par des personnes de bonne foi.
Un exemple ? J'expliquais qu'en économie, il était tout à fait normal que des emplois disparaissent parce qu'ils ne correspondent plus à l'état du marché et / ou de la société. le problème n'est pas de savoir s'il fallait ou non empêcher la disparition des conducteurs de diligences mais de créer les nouveaux emplois et de faire en sorte que les mutations soient les moins douloureuses possibles.
Une dame a commencé à s'emporter, me traitant presque de suppôt du Grand Capital (oui, je caricature) pour soutenir l'idée que les vieux métiers, cela avait du bon...Les bras m'en tombent...
Un autre exemple ? Le discours-leitmotiv qui sert d'explication passe-partout: Mais mon bon monsieur, s'il n'y avait pas les 35 heures, alors il n'y aurait moins de chômage, la valeur travail serait restaurée etc... Cela tourne court très vite puisqu'on est dans l'idéologie, la caricature... D'autres expliquaient la défaite de 1940 par les congés payés de 1936, la crise économique de 1974 par la hausse des prix du pétrole, etc...
Dépassons le stade descriptif de l'enquête d'opinion et essayons d'apporter quelques éléments d'explications possibles:
L'économie n'est enseignée qu'à partir du lycée depuis la fin des années 1960 Donc, on peut dire qu'à l'heure actuelle, plusieurs générations de français n'ont jamais eu d'enseignement d'économie.
De plus, l'économie n'est enseignée qu'en seconde en tant qu'option: il n'y a que 16 % des élèves de seconde qui vont en Première E.S. (économique et sociale). En rajoutant les élèves de STG (filière économie-gestion), on arrive au maximum à 30 % des lycéens.
Donc 70 % des élèves n'ont jamais reçu d'enseignement d'économie. Ce chiffre est critiquable parce que d'autres matières (je pense à l'histoire-géographie), d'autres sections (SMS: sciences médico-sociales) peuvent étudier des objets qui sont du ressort de l'économie.
Même en intégrant cette limite, on peut remarquer qu'une forte majorité de lycéens n'a jamais fait d'études en économie. Il me semble par ailleurs que l'on peut faire le même constat en ce qui concerne le droit.
Certes, on va me répondre:
1 / c'est un coût trop élevé...
2 / à ce moment là, il faudrait aussi faire du droit, et d'autres disciplines tout aussi importantes et intéressantes pour l'honnête homme du XXIe
3 / les médias sont là pour nous aider et nous intéresser: les émissions de télé, la presse économique, les livres... On ne peut pas tout mâcher et demander à l'Etat (tradition bien française) de tout faire.
Je comprends ces objections mais
1/ C'est un avis personnel, je trouve que la qualité des émissions s'est dégradée. On reste dans l'anecdote, le témoignage: c'est le cas de beaucoup de reportages type Envoyé Spécial, ou alors on verse dans "la success-story..": je pense à Capital sur M6...
J'exploite beaucoup moins ces émissions en classe car je n'y trouve plus mon compte. Au début, ces émissions faisaient preuve de plus de pédagogie.
Bon je sais, je reporte la faute sur les médias (air connu), et c'est un discours "avant, c'était mieux" (re-air connu).

proposition 1 pour améliorer votre compréhension des mécanismes économiques: vous pouvez regarder quelques émissions qui sortent du lot, notamment sur France 5 ou Canal +. Il y a aussi de plus en plus de blogs intéressants (voir billet précédent).
2 / Les débats télévisés ou les émissions politiques sont vraiment décevants.
On a :
- un homme politique qui s'enferme dans son discours, il fait de la communication et non de la pédagogie.
- en face de lui un(e) journaliste qui ne lui apporte que très rarement la contradiction en matière économique. N'y-a-t-il plus de journaliste expert en économie ? Je n'ose le croire...
- Et puis le public, ce fameux public censé représenté "le peuple". C'est toujours le même barnum télévisuel: le chef d'entreprise jeune et dynamique qui croit en l'avenir (mais il y a trop de charges, trop d'impôts, trop de réglements...), le jeune des banlieues qui est en révolte contre la société (et surtout les flics, le ministre de l'Intérieur, les patrons, les profs...), la mère de famille qui connait les réalités concrètes (je gère un budget, je connais le prix de la baguette, etc...)
Résultat: chacun expose son point de vue, pas de pédagogie, pas de données chiffrées (non, non, c'est trop compliqué, on peut leur faire dire ce qu'on veut à vos chiffres), des réponses courtes et simplistes (on ne peut pas travailler moins et gagner plus...)
proposition 2 pour améliorer votre compréhension des mécanismes économiques: inventer des émissions politiques qui reposent sur
- un thème précis (pour éviter de se disperser): le chômage, le pouvoir d'achat, l'Europe...
- des journalistes experts (ou des experts) sont chargés de faire le point sur les fondamentaux et de mettre en évidence les points de désaccords...
- quelques invités liés à la société civile et au thème traité.
- Un découpage de l'émission qui serait 1 heure: présentation et question-réponse avec les journalistes pour exposer les mesures / 1 heure de débat avec des contradicteurs variés.
- un thème précis (pour éviter de se disperser): le chômage, le pouvoir d'achat, l'Europe...
- des journalistes experts (ou des experts) sont chargés de faire le point sur les fondamentaux et de mettre en évidence les points de désaccords...
- quelques invités liés à la société civile et au thème traité.
- Un découpage de l'émission qui serait 1 heure: présentation et question-réponse avec les journalistes pour exposer les mesures / 1 heure de débat avec des contradicteurs variés.

3 / je trouve que le manque de connaissances en économie et en sciences sociales pose sérieusement des problèmes pour faire des études. Beaucoup d'élèves s'accrochent à des raisonnements qui constituent des blocages:
- l'argent, c'est pas bien :retournons au troc ! on verra si c'est un progrès...
- le pouvoir, c'est mal : vous connaissez des organisations sociales sans pouvoir ?
- je fais ce qui me plait, on est libre. Le problème est que cela revient à nier toute influence sociale sur chaque individu.
- il n'y a qu'à changer les mentalités: comme si "les mentalités" étaient une sorte de combinaison que l'on peut facilement enlever pour en mettre une autre... Il s'agit ici d'une méconnaissance des mécanismes liés aux processus de socialisation et aux phénomènes culturels.
proposition 3 pour améliorer votre compréhension des mécanismes économiques: réfléchir à l'enseignement de l'économie et des sciences sociales. Faut-il rester à quelques filières (ES et STG) ou un enseignement qui doit être suivi par tous les élèves...Le développement des Universités Populaires ou des Universités pour tous est une possibilité de diffuser les savoirs des sciences sociales.
Maintenant, si vous avez d'autres propositions ou des critiques à faire, je suis preneur...