
L'autre jour, je surveillais des élèves de seconde en train de réaliser un contrôle. Au fil de l'heure, leur stratégie s'adaptait: au début, comme ils ont (un peu) appris, ils se penchent sur leur copie et rédigent.
Ensuite, leurs acquis épuisés, ils cherchent des solutions pour grapiller quelques indices:
- stratégie n°1 (pour les plus hardis): jouons le rôle de la victime innocente et essayons de soutirer des pistes de réponses au prof:
A cet instant, je les trouve d'une politesse inhabituelle, non ? (mdr)
- stratégie n°2 (la plus utilisée): jouons au caméléon et au Mime Marceau. Ils regardent sur la copie de leur voisin, en utilisant tout un langage pour parler à distance sans trop se faire remarquer. Certains soulèvent carrément leur cahier pour voir la réponse (plus c'est gros, moins cela se remarque..)
A ce moment, j'interviens en les menaçant de sévir...
Evidemment, les réactions sont toujours les mêmes.
Ce qui me frappe, c'est cette banalisation du travail collectif: discuter avec son voisin lors d'une évaluation ne semble plus être une faute significative. J'estime à plus de 60 % des élèves qui se laissent aller à cette pratique.
La pompe -celle qui consiste carrément à apporter des documents ou à fabriquer des résumés de cours- reste par contre relativement rare.
Que peuvent nous dire les sciences économiques et sociales sur ce qu'on peut nommer la triche ? Quelles interprétations en tirer ?
J'ai trouver ici un article qui m'apporte de précieux renseignements:
Reprenons un raisonnement économique basique (en bon vieux homo économicus pour en savoir un plus ici).
Le tricheur estime que cette pratique est "rentable" car les avantages de tricher sont supérieurs aux coûts.
Ces avantages sont effectivement nombreux: les pompes évitent d'apprendre par coeur et de réviser, c'est une roue de secours en cas de trou de mémoire (trop de définitions à apprendre..), ou lorsqu'il y a trop de contrôles dans la journée.
Les coûts personnels sont doubles: une perte sèche au niveau des notes si on est confondu (coût matériel) et un jugement sévère de la part des autres -groupe des pairs, parents, enseignant... (coût symbolique)

J'ajoute que les coûts ne sont pas qu'individuels: si le tricheur n'est pas pris, cela a aussi un effet démotivant sur d'autres élèves (qui ont fait des efforts pour apprendre et n'ont pas "été" payés en retour, contrairement au tricheur). De plus, on peut se poser la question de l'utilité de passer des heures à faire des évaluation et à les corriger...
J'en tire les conséquences suivantes: il faut que je parvienne à faire augmenter les coûts et baisser les avantages pour désinciter les tricheurs. En tant qu'évaluatueur, je dois adopter un comportement qui n'incite pas les élèves à tricher.
Concrètement, je dois me déplacer durant les évaluations et scruter le matériel sur les tables. Vous pouvez le vérifier, les comportements changent lorsque vous vous levez sans bruit pour faire le tour de la salle.
Je dois également ne pas bâtir toute une série d'évaluation ne reposant que sur du "par-coeur". Personnellement, je fais en sorte que les évaluations ne soient pas que du par-coeur: en seconde, les questions de cours donnent droit entre 5 et 8 points (soit 25 à 40 % de la note).
Les contrôles de 5 à 10 mn sur des définitions incitent énormément à tricher, tout comme les devoirs à la maison (on peut trouver des corrigés sur le web ou mieux, des forums ou des sites de profs qui peuvent conseiller...).
Enfin, je dois veiller à sanctionner ces comportements (et pas seulement menacer).
Maintenant, je dis aux élèves qui passent le bac les sanctions qu'ils peuvent encourir en cas de fraude aux examens.
Lorsqu'un candidat est suspecté de fraude, un dossier est constitué par le chef du centre d'examen. Ce dossier est ensuite transmis à la commission de discipline des universités qui convoque le candidat pour exposer sa défense. La commission de discipline délibère ensuite en prononcant les sanctions suivantes: annulation de l'épreuve, de l'exament et interdiction de repasser l'examen dans un délai de 1 à 5 ans
La suite...le prochain billet (leçon n°2)...

