D'abord, lorsqu'on cherche ses propositions sur l'éducation sur son site ici, elles ne sont pas évidentes à trouver. Il y a surtout des discours ( ici et là)
J'ai trouvé une synthèse ici qui me paraît être relativement honnête.
Le premier aspect ne pose pas de problème.
L'autonomie des établissements ? Cela veut dire quoi ? Dans quels domaines ? Avec quelles modalités ? Il faudra attendre pour en savoir plus.
L'évaluation des enseignants selon les résultats ?
Je trouve totalement normal qu'un fonctionnaire rende des comptes, soit évalué (par le proviseur et l'inspecteur). Mais là, c'est très différent: il s'agit d'évaluer sur les résultats.
Quand j'en parle aux élèves, cette mesure est très populaire (comme dans l'opinion publique avec le sous-entendu "les profs qui ne font rien, cela les obligerait à se bouger..."^^).
Cette formule en apparence de bon sens pose de nombreux problèmes:
- quels résultats ? Apparemment, si j'ai bien compris, il s'agit des résultats au Bac. Conséquence: si je suis évalué de cette façon, tous les enseignants ne laisseront passer que les meilleurs élèves, c'est-à-dire ceux dont ils sont certains qu'ils auront leur bac. Conséquence: 100 % de réussite. Suis-je un bon professeur au vu de ces résultats ?
Je sais bien qu'il faut aussi tenir compte des résultats aux examens, mais la culture du résultat rencontre vite ses limites: j'évalue la qualité d'un policier aux chiffres sur la délinquance, la qualité d'une infirmière aux nombres de malades guéris (donc je ne soigne que ceux que je pourrais guérir...). De plus, aujourd'hui, sauf cas exceptionnel, la réussite au Bac des différents lycées est relativement proche.
- et même si l'on admet que l'on puisse se baser sur les résultats, est-on certain que c'est cet enseignant qui en porte la responsabilité ? Quelle est la part de l'élève, des autres collègues (en ES, chaque matière est importante...) dans la réussite aux examens ?
On le voit, sous couvert de bon sens (je déteste cette expression), cette mesure pose énormément de problèmes.
Supprimer la carte scolaire revient de facto à instaurer la concurrence entre les établissements (puisque ce sera le choix des parents-consommateurs). Comme il y a une relative baisse démographique du nombre d'élèves, les établissements vont se battre pour s'arracher les élèves (et si possible les meilleurs).
Toute la question est de savoir si les gains attendus (plus de concurrence = plus d'obligation de se différencier des autres) seront supérieurs ou non aux inconvénients (des lycées d'excellence et des lycées délaissés, désertés...).
La concurrence a certes beaucoup d'aspects positifs, mais elle ne suffit pas à fonder une politique éducative...
Evidemment, de l'autre côté, on sait que la carte scolaire a beaucoup de défauts et qu'elle remplit moins bien sa mission. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain ?
Lorsque mes élèves écrivent cela, je leur met dans la marge: "généralité qui ne présente pas beaucoup d'intérêt pour répondre à la question. Soyez plus précis"
S'agit-il de leur proposer des options pour la découverte des métiers ? Ou de les orienter très tôt dans des filières professionnelles ? A suivre donc...
Face à la polémique sur les cours particuliers et l'essor d'un secteur marchand (avec réduction d'impôts ^^), la solution est de donner encore plus de cours aux élèves. Pour motiver les enseignants, on fait appel à leur porte-monnaie. Je passe évidemment sur la question du financement (la critique est valable pour tous les programmes alors...)
Je trouve que les moyens de réformer le système éducatif sont relativement habiles. Pour contourner l'obstacle que représente les enseignants, Nicolas Sarkozy fait appel à la concurrence entre les établissements et au porte-monnaie des enseignants. Habile, mais un peu trop caricatural...
Pour cette mesure 4, je suis dubitatif : sur le principe, cela se discute, mais sur les modalités, j'ai peur que cela soit n'importe quoi. S'il s'agit de répéter le cours (bourrage de crâne)... Remarquez, certains pensent que l'art de la pédagogie, c'est de répêter...alors...En plus, certains collègues vont se battre pour avoir des heures supplémentaires qui seront forcément en quantité limitée...
Sur le principe, pourquoi pas ? Encore une fois, ce sont les modalités pratiques et la façon dont cela est fait qui compte.
Les collèges ont-ils les moyens matériels et humains de réaliser cette mesure ? Les élèves pourront donc rester 10 heures par jour au collège (de 8h à 18h...)...
On ne peut être que d'accord... Mais...
=> comment financer ?
=> il ne me semble pas que depuis 2002 (c'est-à-dire l'arrivée de la droite à tous les pouvoirs) les effectifs des classes difficiles aient baissé. Quelle crédibilité accorder à ce type de mesure ?
Totalement d'accord sur le principe, maintenant le financement et les modalités ?
Je ne comprend pas "donner le droit"... S'agit-il de faire des quotas ? Aujourd'hui, n'importe quel élève a le droit de s'inscrire dans une prépa qui ensuite font leur sélection... Faut qu'on m'explique...
Ouh la là, pauvre service public.... les établissements privés (qui choississent leurs élèves, leur personnel) auront encore plus de marges de manoeuvre pour s'agrandir... Si c'est pas ranimer la guerre scolaire (Savary en 1982, Bayrou en 1994...), cela y ressemble.
Ah bon, ce n'est pas le cas ???? Il me semble qu'il y a des parents élus dans les conseils d'administration. En plus, la construction d'un gymnase, les rythmes scolaires ne sont pas du ressort de l'établissement scolaire mais des collectivités locales et de l'Etat, je ne comprends pas bien...
L'idée sous-jacente est de ne pas laisser la gestion du système à ceux qui s'en occupent. Les parents pourront donc contrecarrer les positions des enseignants.
Je suis favorable à la participation des parents dans les instances du système éducatif, mais avec quels objectifs (défendre leur enfant ou les élèves ?) et quels moyens (à part l'information et le vote, les représentants ont peu de moyens à leur disposition). Cette mesure peut être démagogique.
Pourquoi pas... J'ai peur qu'ils soient un peu dépaysés par les nouveaux élèves qu'ils auront à s'occuper ^^.
Sur le principe, je suis plutôt pour: le bénévolat n'est pas assez reconnu en France, les retraités peuvent apporter des richesses à la collectivité, alors...
Quel bilan ?
Je trouve que les discours de Nicolas Sarkozy sont beaucoup mieux écrits que ses propositions. Ils ont une tonalité "Républicaine" alors que les propositions versent dans un libéralisme (au sens économique) assez prononcé.
On sent bien aussi la stratégie de l'électeur médian (il s'agit de prendre des voix chez les Républicains et les libéraux).
Il y a quelques pistes intéressantes, des généralités et des approximations...mais surtout une prise de risque importante (instaurer un libéralisme scolaire: concurrence des établissements, pilotage par les résultats chiffrés...).
J'ajoute que dans les discours, ce qui me lasse et m'énerve le plus, c'est de considérer que l'école de Jules Ferry a été dévoyée par Mai 68.
Les analyses en terme de bouc émissaire sont démagogiques: le discours sur le retour de l'autorité est vraiment pénible. Comme si l'école était aux mains de dangereux gauchistes, anarchistes... En plus, toutes ces personnes qui veulent un retour de l'autorité ne nous disent jamais comment restaurer cette autorité. Je rappelle qu'il n'y a jamais eu autant de prisonniers (y compris mineurs) en prison; les violences physiques ont-elles diminué ? Que la multiplication des heures de colle et des conseils de discipline n'ont plus d'effets (quand vous avez un élève qui cumule 20 heures de colle, vous faites quoi ? vous lui en donnez 25 ? vous l'expulsez vers un autre établissement ?). Cessons ces discours simplistes.
A ce stade, les propositions sur l'école des deux principaux candidats me renvoient à des lignes de démarcation relativement claire entre la gauche et la droite. Je trouver cela plutôt sain: les différences sont marquées, c'est au peuple de trancher.
Ceci dit, j'ai toujours pensé que l'élection ne se fait pas seulement sur des mesures intégrées dans un programme.
Certes, il est important de connaître les grandes lignes de chaque projet (avec quelques mesures phares).
Mais, en essayant de comparer tous les programmes, on passe un peu à côté de ce qui fait la nature de cette élection si particulière. Le ou la candidat(e) qui l'emportera sera celui ou celle qui nous aura le mieux raconté notre avenir (qui se souvient de 5 mesures du programme de Jacques Chirac en 1995 et en 2002 ? Personne...alors que beaucoup se rappelle son discours sur la fracture sociale).
A suivre...