Invité de France 2 jeudi soir, Nicolas Sarkozy a abordé les questions économiques et sociales qui lui paraissent centrales.
Parmi les nombreuses mesures envisagées, il prône le retour à un capitalisme familial (ce n'est pas nouveau voir ici).
La pensée unique dit que le capitalisme familial c’est fini, qu’il n’y a plus que le capitalisme financier. Mais une autre politique est possible. Une autre politique est nécessaire. Parce que dans le capitalisme financier, l’entreprise cesse trop souvent d’être une communauté humaine. Parce que dans le capitalisme financier il n’y a plus aucun lien entre l’actionnaire et le salarié. Parce que dans le capitalisme financier lorsqu’il est totalement livré à lui-même, le prédateur et le spéculateur ont tendance à prendre le pas sur l’entrepreneur.
Si je suis élu, je ferai tout pour rééquilibrer le capitalisme au profit du capitalisme familial et des entrepreneurs.
Essayons de voir quels sont les arguments qui militent en faveur d'un "capitalisme familial" et ceux qui, au contraire, mettent en lumière les risques, les limites de cette approche.
Ce sera à vous lecteurs (rices) de trancher, ne l'oubliez pas. Mon propos se borne à apporter quelques éléments de réflexion.
D'abord, on peut définir cette notion de façon assez sommaire par le fait que le capital d'une entreprise soit contrôlé par des familles. Il s'agit donc de sociétés contrôlées par des personnes physiques qui ont placé leur fortune dans le capital de cette société et donc disposent d'un pouvoir de nomination et de révocation des dirigeants.
C'est le cas, en France, de l'Oréal, Peugeot, Michelin, le groupe Mulchiez (qui détient Auchan, Phildar, Decathlon, Leroy-Merlin...) pour les plus grandes; mais c'est surtout le cas de toutes les PME qui constituent l'essentiel des entreprises en France.
- les avantages économiques:
D'abord un constat: si l'on prend plus de 100 sociétés familiales côtées à la Bourse de Paris, on s'aperçoit qu'elles dégagent une rentabilité économique (capacité des capitaux investis à générer un revenu) de plus de 15 % par an sur 5 ans alors que les entreprises du SBF 250 ont une rentabilité de 12.5 % par an
(source: Enjeux les Echos, avril 2003). Elles sont donc plus performantes.
Comment l'expliquer ?
- Lorsqu'elles vont sur les marchés financiers pour obtenir les capitaux nécessaires pour financer leur projet d'investissement, elles gardent le contrôle de l'entreprise et se mettent à l'abri de la pression des marchés financiers et de leurs impératifs de rentabilité immédiate.
- Elles ont un capital confiance plus élevé du fait de la structure de leur capital: les dirigeants se connaissent mieux, idem pour les relations entre dirigeants / salariés et entre l'entreprise et ses partenaires (clients, fournisseur, banques...).
- les avantages sociaux:
Une étude en 2000 (Allouche et Amann citée par O.Bouba Olga in "les nouvelles Géographies du capitalisme" Seuil 2007) montre que:
- ces entreprises ont une politique de fidélisation des salariés plus forte: l'âge et l'ancienneté des salariés est plus élevée, la flexibilité de l'emploi est plus faible, les dépenses de formation des salariés y sont plus élevées également.
- l'échelle des revenus est comparativement moins inégalitaire: les dirigeants des entreprises familiales ont un salaire en moyenne inférieure de 20 % aux dirigeants des entreprises non familiales, l'éventail des rémunérations est moins large.
Alors, est-ce le modèle idéal d'entreprise ?
D'un côté, il y a aurait le "méchant capitalisme financier de type anglo-saxon" et de l'autre le "bon capitalisme familial" qui réconcilierait efficacité économique et justice sociale ?
- ce capitalisme n'empêche pas les délocalisations. Nicolas Sarkozy a utilisé cet argument à propos d'une question posée par une ouvrière d'Arena qui a délocalisé une partie de sa production. On peut citer le cas d'Aubade étudié ici. La structure de l'actionnariat n'est qu'un élément parmi d'autres.
L'échec du mouvement de grève des ouvriers de Peugeot qui réclamait 300 euros d'augmentation montre aussi que cela n'est pas, loin de là, une garantie de gestion sociale.
- ce capitalisme, on l'a bien vu au XIXème siècle a assuré sa pérennité par une gestion très paternaliste (cf Schneider au Creusot qui protégeait davantage ses salariés mais qui exigeait d'eux une soumission et rejetait toute implantation syndicale). Il a fallu créer une protection sociale pour que les salariés soient moins dépendants du bon vouloir du patronat.
- ce capitalisme peut-il se développer dans les secteurs où les innovations radicales exigent des adaptations permanentes ?
La question mérite d'être posée car on sait que, dans ce type d'entreprise, la prise de décision est plus longue.
- le retour du capitalisme familial ? mais celui-ci n'a pas disparu, loin de là: l'OCDE estime que 75 % des entreprises des pays industrialisés (soit 50 % des salariés) sont des entreprises familiales. En France, 45 % des sociétés du CAC 40 sont contrôlés par des familles.
On est donc loin d'une disparition, et pourtant les problèmes d'efficacité économique et de gestion des relations sociales demeurent.
- Le capitalisme familial peut aussi conduire au management héréditaire dans lequel le fils succède à son père (je ne citerais pas d'exemple tellement ils sont cruels). On sait que la France souffre d'un insuffisant renouvellement des élites à la fois étatiques et entrepreneuriales...On peut lire ici un excellent livre à ce sujet.
Sur le journal du Net, quelques grandes dynasties familiales
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