L'irlande connaît de très graves problèmes.
On peut appliquer la théorie des jeux et du passager clandestin pour mieux comprendre les enjeux de l'Union Européenne.
Fait n°1: l'Irlande a connu une croissance économique très forte dont j'avais sommairement parlé dans cet article: "vous prendrez bien un taxi mauve ?"
Fait n°2: ce sont les banques irlandaises qui ont connu une prospérité ces dernières années, on peut en avoir un aperçu à travers ces graphiques
La progression du poids des banques dans la richesse est particulièrement spectaculaire pour l'Irlande.
Voici une comparaison avec notre pays et nos voisins européens dans le graphique ci-dessous.
Remarquez que la France a tout de même connu une progression très sensible à partir de 2004 puisque les bilans des banques représentaient environ 250 % du PIB cette année contre 450 % en 2010)
Fait n°3: la crise irlandaise est provoquée par une très forte hausse des défauts de paiements sur les crédits bancaires à la suite de placements immobiliers (en 3 ans, la part des prêts non performants est passée de 1 % des prêts à 11 % en 2010)
Ce qui va provoquer des réactions en chaine:
- les banques ne peuvent plus prêter et financer l'activité économique. Cette dernière chute et provoque une montée du chômage.
- l'Etat irlandais est intervenu massivement, mais cela ne suffit pas étant donné la taille surdimensionnée des banques
- il faut donc faire appel à l'extérieur pour recapitaliser les banques irlandaises, et notamment l'Union Européenne.
Fait n°4: l'un des piliers de la réussite de l'économie irlandaise est le dumping fiscal.
Voici le taux d'imposition sur les bénéfices des sociétés en 2010
Le taux irlandais est presque trois supérieur à celui de la France, et en règle général, il est deux fois inférieur à celui des principaux pays européens.
L'Irlande a attiré beaucoup d'entreprises par ce biais....des entreprises qui ne sont donc pas venues dans les autres pays.
Commentaires:
Bon alors, me direz-vous où est le problème ?
Quel est le lien avec la théorie des jeux ?
On peut analyser montrer que l'Irlande peut être tentée d'être un passager clandestin de l'Union Européenne: elle joue cavalier seul en pratiquant des taux d'imposition beaucoup plus bas pour attirer les entreprises, en laissant son système bancaire s'auto-réguler...
Mais comme elle ne peut pas sauver elle-même son système bancaire, elle compte sur la coopération des autres (l'Union Européenne) tout en ne voulant pas renoncer à sa stratégie initiale (puisque le taux d'imposition sur les bénéfices ne sera pas modifié).
Quelques précisions:
- il ne s'agit pas de laisser croire que l'Irlande ne supportera pas les coûts de cette stratégie. En effet, pour obtenir l'aide européenne, le gouvernement irlandais a présenté un plan de rigueur très conséquent.
Côté dépenses, elles seront réduites de 10mds avec 7mds d’économies sur les dépenses d’Etat (-2,8mds de dépenses sociales et -1,2mds de salaires publics) et 3mds en moins d’investissement alors que le salaire minimum, le 2ème plus généreux en Europe sera réduit à €7,65.
Côté recettes, l’impôt sur les revenus sera alourdi, la TVA sera augmentée de 21% à 23% d’ici 2014. Les irlandais vont donc souffrir...
- la question de l'Impôt sur les sociétés en Irlande est problématique dans la mesure où de grandes entreprises (HP, Google...) ont menacé de quitter l'Irlande si cet impôt était relevé, aggravant encore la situation économique du pays qui a besoin de retrouver de la croissance.
- d'autres pays sont aussi tentés d'avoir un comportement non-coopératif en raison d'une gouvernance européenne bancale. Les excédents commerciaux de l'Allemagne se sont aussi réalisés sur les autres pays européens (dont la France).
C'est moins les stratégies des pays que la gouvernance européenne qui est en cause: on a crée un bien collectif (l'Union Européenne, l'euro) mais pas assez d'incitations collecttives pour que chacun joue collectif...
- En attendant, face à cette situation, on comprend mieux les réactions des peuples qui savent ce que les mots rigueur, austérité signifient alors qu'ils ont le sentiment que "les coupables" ne sont pas "responsables" (càd les banques). Les populismes ont donc de beaux jours devant eux.
Pour aller plus loin:
- sur le site Télos, Irlande: pourquoi les marchés ne se calment pas
- sur SOS...SES, j'avais déjà que la situation irlandaise posait problème à travers ce graphique
- pour approfondir la théorie des jeux: