Je voudrais profiter des vacances d'automne pour faire un premier bilan rapide comme je l'avais promis ici.
Après un mois et demi de cours, quelles sont les dispositions qui ont été tenues, celles qui sont restées encore des promesses et celles qui ont été abandonnées ?
Je prendrais appui sur une synthèse concernant les compétences professionnelles des enseignants telles qu'elles ont été définies par le haut Conseil à l'Education.
Ce dernier a remis hier un rapport au ministre de l'Education sur la formation des enseignants. Il a alors défini 10 compétences professionnelles sur lesquelles je reviendrais.
I / Les bonnes dispositions de la rentrée ont-elles été tenues ?
Evidemment, seuls les élèves (premiers concernés) sont à même de répondre à cette question. Mais comme l'objectif est de pratiquer une auto-évaluation (que je demande moi-même aux élèves), je voudrais avancer quelques éléments de réponse.
- les dispositions qui ont été tenues:
A mon sens, 5 dispositions du schéma me semblent avoir été assez bien réalisées:
Cette année, j'ai multiplié les exemples concrets au lieu de me contenter d'explications générales (comme nos manuels font hélas trop souvent) (disposition 5)
D'autre part, le blog m'a permis beaucoup d'éprouver encore plus d'intérêt pour les sciences économiques et sociales (disposition 1), de multiplier les échanges avec les élèves (disposition 8), de stimuler le développement de leur réflexion (disposition 12) et de faciliter leur participation active (disposition 13).
- les dispositions qui sont encore des promesses:
Pour utiliser plusieurs stratégies didactiques (c'est-à-dire des manières de s'y prendre pour expliquer, faire comprendre un concept ou un mécanisme), j'ai encore du travail à faire: certes, les séances informatiques, le blog permettent de varier les pratiques pédagogiques, mais ce n'est pas suffisant. Les cours sont souvent basés sur le modèle traditionnel: le contenu puis les applications.
Une seule exception dont je suis souvent satisfait: j'ai complétement changé l'introduction d'un chapitre. Je propose des petits exercices (devinettes, énigmes, anecdotes étonnantes dont l'objectif est de servir "d'apéritif"; c'est-à-dire de donner envie d'en savoir plus sur le thème abordé, de sse mettre en position de se poser des questions). Même si c'est encore imparfait, je dois veiller à maintenir et améliorer cette nouveauté.
- les dispositions non réalisées (ou très insuffisamment)
Je n'accorde pas assez d'importance à l'évaluation formative: il faut multiplier les exercices et les avant l'évaluation finale (sommative). Quelques chapitres m'ont permis de le faire en Seconde, aucun en Terminale.
Par moment, j'ai l'impression qu'il y a tellement de choses à revoir (comment lire un texte, une donnée chiffrée, comment rechercher un renseignement, comment contourner une difficulté...), c'est alors que je donne la solution attendue.
Enfin, une Terminale à 34 élèves, c'est très lourd: beaucoup voudrait un cours individualisé, d'autres veulent que je les laisse bavarder en paix... Comment concilier une discipline et une ambiance d'échange ? Chaque heure de cours est un nouvel équilibre à trouver.
J'ajoute qu'il y a très peu d'élèves de Seconde qui laissent des commentaires sur le blog (sont-ils impressionnés ? désintéressés ?).
Bon, c'était mon petit bilan à moi (vous le savez, je m'aime bien). Maintenant, voyons ce que nos supérieurs hiérarchiques nous ont concocté: que doit savoir faire un enseignant ?
II / Les 10 commandements
(ou compétences professionnelles que tout enseignant doit acquérir)
J'ai repris les extraits du rapport du 31 octobre et rajouté mes commentaires.
1. Compétence disciplinaire et culturelle
L'enseignant a une connaissance approfondie et élargie de sa ou de ses disciplines et une maîtrise des questions inscrites au programme de sa ou de ses matières d'enseignement. Il possède aussi une solide culture générale. Il peut ainsi aider les élèves à acquérir les compétences exigées en s'appuyant sur la cohérence des différents enseignements.
Un prof doit non seulement maîtriser sa discipline, mais en plus avoir une bonne culture générale... Ah bon ? Cela n'était pas le cas ?... C'est dingue, non...
Moi je connais plein de BD, de jeux vidéos, cela rentre dans la culture générale ?
2. Compétence en langue française
Les exigences envers les enseignants sont cohérentes avec celles du socle commun. Dans son usage de la langue, tant à l'écrit qu'à l'oral, l'enseignant doit être exemplaire. Il est attentif à la qualité de la langue chez ses élèves. Qu'il présente des connaissances, fournisse des explications ou donne du travail, il s'exprime avec clarté et précision, en tenant compte du niveau de ses élèves. Il sait décrire et expliquer son enseignement à la diversité de ses interlocuteurs, en particulier les parents.
Un prof doit savoir s'adapter à son public, ne pas employer de jargon incompréhensible (sauf par lui-même ou quelques initiés), il doit respecter la langue française (Ah il va falloir que je surveille certains de mes propos...), et la faire respecter (dorénavant, j'exige que les élèves réemploient le point virgule qui a injustement disparu des pratiques scripturales).
3. Compétence à concevoir son enseignement
L'enseignant est un spécialiste de sa ou de ses disciplines et il sait l'enseigner, c'est-à-dire qu'il est capable d'assurer, sur la durée d'une année scolaire, l'apprentissage effectif de ses élèves dans le cadre d'un enseignement collectif. Pour cela, il maîtrise la didactique de sa ou de ses disciplines, et il est capable de mettre en oeuvre des approches pluridisciplinaires ; il connaît les processus d'apprentissage et les obstacles que peuvent rencontrer les élèves et la manière d'y remédier.
je croyais qu'on ne devait pas employer de concepts trop techniques: "didactique", tout le monde, y compris les enseignants savent parfaitement ce que c'est, puisqu'ils sont censés la maîtriser...
Les obstacles, j'en connais bien quelques uns, ce sont les solutions pour les contourner qu'il me manque... si quelqu'un a deux ou trois tuyaux à me refiler, j'accepte volontiers.
4. Compétence à prendre en compte la diversité des élèves
L'enseignant sait différencier son enseignement en fonction des besoins et des facultés des élèves, pour tirer chacun vers le haut. Il prend en compte les différents rythmes d'apprentissage, accompagne chaque élève, y compris les élèves à besoins particuliers, et sait notamment faire appel aux partenaires de l'Ecole. Il amène chaque élève à porter un regard positif sur l'autre et sur les différences.
Je dois accompagner chacun des 55 élèves de seconde et des 34 élèves de Terminale ES: on fait des cours particuliers ?
Chaque élève doit porter un regard positif sur l'autre... J'en connais plus d'un qui doivent s'y mettre tout de suite, non ???? Mais grâce à mon attitude bienveillante, ils vont découvrir qu'il y a un être humain derrière chacun.
5. Compétence à gérer la classe
L'enseignant sait faire progresser une classe aussi bien dans la maîtrise des connaissances, des capacités et des attitudes que dans le respect des règles de la vie en société ; il établit un fonctionnement efficace pour les activités quotidiennes de la classe, il est exigeant sur les comportements et il fait en sorte que les élèves attachent de la valeur au travail tant ind
ividuel que collectif.
Ah alors, quand je ne cesse de répêter qu'il faut travailler et apprendre ses cours, qu'il faut dire bonjour, au revoir, merci, de rien, je vous en prie...
J'avoue que c'est quand même là dessus qu'il y a le plus de travail à faire... je ne sais plus qui a dit cet aphorisme: la route est droite, la pente est raide...
6. Compétence à évaluer les élèves
L'enseignant sait évaluer la progression des apprentissages et le degré d'acquisition des compétences atteint par les élèves. Il utilise le résultat des évaluations pour adapter son enseignement aux progrès des élèves. Il fait comprendre aux élèves les principes d'évaluation et développe leurs capacités d'autoévaluation. Il communique aux parents les résultats attendus et les résultats obtenus. Il prend sa part dans l'orientation de l'élève.
J'ai déjà fait un petit topo là dessus
ici
7. Compétence en technologies de l'information et de la communication
L'enseignant maîtrise les technologies de l'information et de la communication. Il s'en sert pour sa formation personnelle et dans son enseignement, comme outil didactique et comme moyen d'accès à la culture et d'ouverture sur le monde.
Evidemment, chacun sait ce qu'est le wi-fi, le peer-to-peer, le routeur, le mind mapping, un trackback... Non parce que Shakespeare, et la poésie ca va bien 5 mn...
Simplement, je me demande où l'enseignant va-t-il acquérir ces compétences ? N'ait-on pas en train de faire les mêmes erreurs qu'avec les élèves: on considère que cela devrait être acquis, mais on ne se pose pas la question comment, à quel moment ?
8. Compétence à travailler en équipe et à coopérer avec tous les partenaires de l'Ecole
L'enseignant participe à la vie de l'établissement, notamment dans le cadre du projet d'établissement. Il travaille avec les équipes éducatives de ses classes et avec des enseignants de sa ou de ses disciplines, afin que la cohérence dans les choix didactiques et pédagogiques favorise la maîtrise des compétences par les élèves. Il coopère avec les parents et les partenaires de l'Ecole.
Vive les réunions: projet d'établissement, conseil d'enseignement, conseil de mi-trimestre, rendez-vous avec les parents...Non mais c'est vrai, en plus, les stages pendant les vacances, avec tout cela, si on croit encore que les enseignants ne travaillent que 17 heures par semaine...
9. Compétence à réfléchir sur sa pratique, à innover, à se former
L'enseignant est capable de faire une analyse critique de son travail et de modifier le cas échéant ses pratiques d'enseignement. Il met à jour ses connaissances disciplinaires, didactiques et pédagogiques, il sait faire appel à ceux qui sont susceptibles de lui apporter aide ou conseil dans l'exercice de son métier, il se forme en fonction de ses besoins
professionnels.
Ah oui, critiquons nous, aidons-nous, mettons-nous à jour et formons-nous...Qu'est-ce qu'on va rigoler en salle des profs !!!
Mercredi, j'ai été nul sur la valeur ajoutée, j'ai négligé les pré-requis, les élèves ont échoué à l'évaluation formative en raison d'une imprécision sur le concept de consommations intermédiaires
Jeudi, il y a le petit blond, là au fond, je pense qu'il n'est pas au point sur les déterminants de l'investissement. Peut-être devrais-je avoir un entretien de remédiation sur les différents moyens de financement ? Va-t-il accepté le contrat pédagogique mis en place ? Il a écrit lol sur sa copie, pourquoi ?
10. Compétence à agir de façon éthique et responsable dans le cadre du service public de l'éducation
L'enseignant fait preuve de conscience professionnelle et suit des principes déontologiques : il respecte et fait respecter la personne de chaque élève, il est attentif au projet de chacun, il respecte et fait respecter la liberté d'opinion, il connaît et fait respecter les principes de la laïcité, il veille à la confidentialité de certaines informations concernant les élèves et leurs familles, etc. L'Education nationale détermine les finalités de l'enseignement, définit les programmes et les horaires : l'enseignant exerce donc sa liberté pédagogique dans le cadre des textes officiels ; il sensibilise les élèves aux grandes causes nationales; il connaît les droits et devoirs des fonctionnaires.
Evidemment, je me disais aussi que le mot éthique n'était pas encore apparu: l'enseignant doit correspondre à une éthique, une conscience professionnelle. Cela présuppose que celles-ci s'applique aussi à l'Education Nationale. On ne doit pas envoyer des collègues inexpérimentés dans les zones les plus difficiles, on ne doit pas favoriser la précarité des personnels enseignants, administratifs ou ouvriers, l'institution se doit de défendre tout personnel injustement
mis en cause ou atteint physiquement dans l'exercice de son métier etc...
Evidemment, il y a un peu de mauvaise foi dans mes commentaires.
Je suis globalement d'accord avec ces grands principes affirmés (même si certaines formulations sont creuses).
Ce qui me gêne le plus à la lecture de ceux-ci c'est que :
1°) ils ont déjà été affirmés et écrits dans des circulaires depuis 10 ans, qu'on n'en est plus là il me semble.
2°) concrètement, on fait quoi ? Il faut mettre en place la réalisation pratique de ces compétences, se poser la question de leur évaluation (à quel intervalle ? par qui ? comment ?). Je ne dis pas que rien ne change, ce n'est pas vrai, j'ai moi-même eu l'occasion d'assister à de véritables réflexions sur nos pratiques et à la mise en place de nouveaux dispositifs. Mais cessons les gesticulations de principe, la morale et une politique d'affichage.