Essayons de comprendre les justifications du ministre. Elles sont relativement simples et claires:
1 . il s'agit de supprimer des heures de décharges à des enseignants qui ont des classes n'ayant pas d'examen en fin d'année (le surplus de copie lié à des classes d'examen justifiait cette heure payée non réalisée) et des classes à faible effectif (c'est le cas dans les filières professionnelles).
La justification donnée est que le bac se déroule essentiellement en Terminale, donc il n'y a plus de raison d'indemniser les enseignants de Première. Cette mesure permettra de supprimer l'équivalent d'environ 3 000 postes équivalents temps plein. On est donc clairement dans une logique de rationnalisation des moyens.

2. Autre mesure dans la modification du décret: lorsqu'un enseignant sera en sous-service (il lui manque des heures de service), il devra compléter par des heures dans d'autres établissements (de sa commune ou non) ou, si ce n'est pas possible, dans d'autres disciplines que la sienne (c'est pourquoi certains parlent de la bivalence = enseignement de 2 matières). La logique est ici celle d'introduire de la flexibilité dans la gestion du personnel.
Conséquence concrète: l'année prochaine, c'est à mon tour de prendre une classe de Première ES, je vais donc perdre dans l'année d'après l'audit lui-même qui a fait cette étude 1 480 euros (soit une baisse de salaire de 6 %).
Là encore, je pense qu'on prend le problème par le petit bout de la lorgnette:
- certes, on justifiait cette mesure par le surplus de travail lié à des classes d'examens. En réalité, c'était un moyen déguisé d'augmenter les salaires des enseignants, l'alibi étant celui des charges d'examen.
Résultat, l'année prochaine, je travaille autant pour gagner moins. En réalité, on va sûrement travailler plus pour gagner moins en raison d'autres charges qui vont nous tomber dessus (je pense à l'entretien d'orientation avec les familles).
Je l'ai déjà dit, les enseignants doivent être payés pour leur disponibilité et non pour telle ou telle heure... cela n'a pas de sens: imagine-t-on une infirmière quitter son service parce que l'heure de service est passée ? Quand je vois le temps que je passe à m'entretenir avec les parents, est-ce que je compte mes heures ??? Tant qu'on raisonnera de la sorte, on ira dans le mur.
- conséquences directes: je pense que lorsqu'on touche au portefeuille une profession, les réactions risquent d'être violentes. Des débordements sont à craindre (boycott des bacs blancs, des conseils de classe, etc...).D'autant plus que, nous le savons, les enseignants français sont parmi les moins bien payés d'Europe (je l'ai déjà montré)
- conséquences indirectes: quel est l'enseignant qui voudra s'investir dans un club théâtre, dans le projet d'établissement, qui sera l'enseignant qui va vouloir être professeur principal ? Selon l'adage bien connu: "vous faites semblant de me payer, je fais semblant de travailler". Quel progrès...
- Résultat: on est bien dans une stratégie "perdant-perdant" en raisonnant de la sorte. Tout le monde est perdant: les professeurs moins payés, les établissements et les élèves avec des enseignants moins impliqués...
Je connais la suite: des mouvements de grève, des actions coup de force, un ministre qui s'arc-boute, les reportages de TF1 sur les inconvénients de la grève...

Ce qui me surprend le plus, c'est la tactique politique du ministre: pourquoi se lancer dans une telle réforme alors qu'on rentre dans une phase intense de campagne électorale ? ?
Ou il est suicidaire : si le conflit tourne à l'avantage des grévistes, sa carrière politique sera mise entre parenthèse comme celle du Premier Ministre avec la crise du CPE;
Ou il pense qu'il est plus fort que tous et qu'il restera comme celui qui a imposé cette réforme (la probabilité est faible cependant, il suffit de compter les ministres de l'éducation qui...).
Dans tous les cas, les effets seront désastreux car ce n'est pas ainsi qu'on réforme... Pitoyable même.
Il va falloir que je me dépêche de faire un billet plus positif, c'est déprimant...