Suite de l'article précédent. La gouvernance, que l'on peut définir simplement comme la gestion collective d'un groupe, est souvent utilisée pour montrer que la mondialisation remet en cause la structure hiérarchique (pyramidale et centralisée) des pouvoirs dans les entreprises comme dans les Etats.
Après avoir montré la complexité des liens entre mondialisation et taille des Etats (par l'importance des dépenses publiques), essayons de voir quels effets peut avoir la mondialisation sur la gouvernance nationale.
Le premier type de transfert (vers le haut) est dirigé vers les organismes transnationaux comme l'OMC, le FMI ou l'Union Européenne. Ceux-ci vont pousser à l'ouverture aux échanges internationaux (par exemple par la baisse des droits de douane), ce qui va accentuer la dépendance à l'égard des marchés mondiaux.
De plus, les Etats vont transférer des compétences nationales à ces organismes (la gestion de la politique monétaire dans le cadre de la monnaie unique européenne).
Enfin, plus la mondialisation progresse, plus la nécessité d'avoir une régulation internationale (en matière sociale et environnementale) s'impose.
Cela pose de sérieux problèmes au niveau de la gouvernance mondiale :quelles règles ? Qui va prendre ces règles ? Avec quelle légitimité ? et de son articulation avec les gouvernances nationales. Le deuxième type de transfert est dirigée "vers le bas": plus de pouvoirs sont attribuées aux régions (Catalogne, Ecosse), aux collectivités locales (réformes de décentralisation en France) afin de permettre une meilleure gestion des dépenses publiques (pour satisfaire la contrainte fiscale) et de décharger l'Etat central de mesures impopulaires (hausse des impôts et baisse des dépenses de redistribution).
Pour autant, ces transferts ont des limites qui peuvent relégitimer l'intervention des Etats nationaux. L'ouverture internationale comporte de nombreux risques: la région toulousaine qui s'est spécialisée dans l'aéronautique est très exposée aux variations des taux de change (si l'euro s'apprécie fortement, cela devient plus difficile de vendre des Airbus), des prix du pétrole. Elle ne peut donc supporter tous les coûts, il lui faut donc l'aide de l'Etat voire de l'Union Européenne.
L'horizontalisation de la gouvernance est le dernier mouvement. Les sociétés transnationales mettent en concurrence les Etats à travers le processus de décomposition des processus productifs (la création, le design en France, la production dans les pays à bas coûts, l'assemblage dans une autre région etc...). Ces firmes font pression sur les Etats pour émettre des règles conformes à leurs intérêts (illégalité de la copie de médicaments, de logiciels ou de musique...). De plus, les Etats ont accumulé des déficits, ce qui les conduit à délaisser certains biens publics et à se décharger sur d'autres organisations: des entreprises privées, des institutions publiques (internationales) ou privées (semi-privées comme les ONG qui proposent des services de santé, d"éducation...). Elles mènent également des campagnes contre certaines décisions publiques (nucléaire, OGM...)
De multiples acteurs, donc des intérêts très différents, ce qui complexifie la prise de décision et met en concurrence la gouvernance nationale avec les autres acteurs.
Source: IDEES n°145 septembre 2006.
Voici le troisième épisode des jeudis de l'économie qui est consacré au gouvernement de l'économie européenne pour illustrer ce billet.