Je sais, c'est une drôle de façon de commencer un billet...
Oui, je crois que vous avez un problème avec les "questions - problème" ! Elles sont pourtant très utiles pour apprendre à raisonner.
Sans rentrer dans des débats qui nous emmèneraient trop loin sur la notion de problématique, je voudrais donner quelques éléments pour aider les élèves à reconnaître une question - problème
Etape 1: problématiser, cela veut dire quoi ?
C'est conduire jusqu'à un problème. Or cela suppose qu'on mette en évidence ce problème. Les élèves me donnent le titre de leurs recherches, je leur réponds souvent: très bien, mais où est le problème ?
Mais souvent on ne le voit pas, il n'est pas explicite puisqu'il est le résultat d'une analyse. Il faut donc le créer, le découvrir, le construire sous forme d'une question.
C'est la raison pour laquelle on ne peut pas trouver un problème sans avoir travaillé le sujet (je n'ai jamais vu un groupe formuler une question-problème dès les premières séances).
Dernière remarque, une fois que la question-problème a été construite, on peut alors commencer à organiser les différentes argumentations, à sélectionner ce qui est nécessaire (autrement dit élaborer un plan détaillé). Souvent les élèves pensent qu'à partir des questions du type (Qui ? Quoi ? Quand ? Pourquoi ? Comment ? Qu'est-ce que ?...), ils peuvent construire un plan.
Etape 2: Comment reconnaître une question problème ?
Il existe des questions qui ne posent pas véritablement de problème. En général, ce sont celles-ci que vous trouvez le plus facilement au début. En voici quelques exemples:
Qu'est-ce la laicité ?
De quelle époque date le paternalisme social ?
Comment l'entreprise Renault s'est-elle développée ?
Pourquoi faut-il développer les énergies renouvelables ?
Ces questions exigent des réponses qui ne posent pas problème: on définit la laicité, on donne une date, une période durant laquelle le paternalisme social s'est développé, on décrit les différents moyens, les stratégies diverses de l'entreprise Renault et on cite 2 ou 3 raisons pour lesquelles il faut développer les énergies renouvelables. Ce sont des questions qui obéissent à la règle des 5 W (When, Where, What, Why, Who...)
Si vous fondez votre réflexion sur ce type de questions, cela risque d'aboutir à une analyse assez "plate", descriptive, peu dynamique (par exemple, cela peut prendre la forme d'une typologie ou d'un catalogue d'idées).
En général, une question-problème apparaît lorsque vous mettez en relation deux ou plusieurs concepts. Le passage d'un concept à l'autre (autrement dit la solution éventuelle du problème) exige une véritable réflexion personnelle basée sur une enquête et des recherches.
Conséquence: le signe auquel vous reconnaitrez que vous êtes devant une question-problème, c'est votre embarras.
Vous ne pourrez pas répondre par oui ou par non, vous ne pourrez pas donner une date, une définition ou formulez une réponse simple à la question posée.

Etape 3: Comment formuler une question-problème ?
On peut trouver trois types de formulation:
- un paradoxe: vous mettez en relation des concepts apparemment incompatibles.
La ville est-elle nécessairement un lieu de sociabilité ? La sociabilité peut se définir comme une aptitude à vivre en société sans objectif utilitaire, c'est un peu la forme ludique de la socialisation. La ville crée des sociabilités "positives"(dans les cafés, avec le voisinage, les soirées mondaines...), mais la ville crée aussi des embouteillages, des inégalités entre centre-ville et périphérie etc...
- une énigme : la musique abolit-elle les frontières ? Renault: une multinationale ? Les éoliennes ont-elles un avenir ?
- une alternative: l'Allemagne: un modèle ou un concurrent pour l'industrie automobile française ? La libéralisation des règles d'implantation des grandes surfaces: une chance ou un handicap pour l'économie locale ?
La presse utilise quelquefois ces formulations, cela peut donner des grilles de lecture et d'analyse souvent fuctueuse.
Quelques exemples:
- sur l'analyse du projet de réforme des universités, un article du Monde Diplomatique qui s'intitule: derrière l'autonomie des universités, diversité contre égalité ?
- sur l'analyse des six premiers mois de la présidence Sarkozy, un article de J.M. Helvig sur Rue89: Nicolas Sarkozy, c'est "Badinguet" ou "Foutriquet" ?
Ce type de question est beaucoup plus intéressante: elle suscite de la curiosité chez le lecteur. En effet, on le met devant un paradoxe, on lui pose une énigme, on le place devant un choix cornélien...ce sont des moyens de l'inciter à lire, de l'impliquer davantage. En général, ce type de question suscite une réponse beaucoup moins statique que les questions précédentes, l'analyse est plus fructueuse.

Des jingles, en veux-tu, en voilà...