C'est aujourd'hui mon 300ème billet. Quel travail ! Hé bien justement, le sujet du jour sera consacré au travail. Quels sens pouvons-nous donner à cette activité ?
Je vous ai concocté une sélection de divers documents pour tenter d'apporter des éléments de réponse.
Doc.1 : Travailler est issu (1080) d’un latin populaire « tripaliare », littéralement « tourmenter, torturer avec le trepalium, du bas latin trepalium, nom d’un instrument de torture. En ancien français et toujours dans l’usage classique, travailler signifie « faire souffrir » physiquement ou moralement et se travailler « se tourmenter » (XIIIe siècle).
Dictionnaire historique de la langue française, 1992
Doc.2 : Dieu dit à la femme : Je ferai qu’enceinte, tu sois dans de grandes souffrances, c’est péniblement que tu enfanteras des fils.
Il dit à Adam : « parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais formellement prescrit de ne pas manger, le sol sera maudit à cause de toi. C’est dans la peine que tu t’en nourrira tous les jours de ta vie, il fera germer pour toi l’épine et le chardon et tu mangeras l’herbe des champs. A la sueur de ton visage tu mangeras du pain jusqu’à ce que tu retournes au sol car c’est de lui que tu as été pris.
Genèse III, 17-19, traduction œcuménique de la Bible, éditions du Cerf, 1988
Doc.3 : le laboureur et ses enfants Jean de la Fontaine 1621-1695
Travaillez, prenez de la peine C’est le fond qui manque le moins.
Un riche laboureur, sentant la mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents. Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’oût.
Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.
D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort Que le travail est un trésor.
Doc.4 : une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes ont sacro-sanctifié le travail
A / Quels sont les différents sens donnés à cette activité ?
B / Retrouvez des justifications Par exemple, on peut dire, à partir du document 1: Le travail: une "souffrance" => c'est l'idée d'une action pénible, laborieuse. On ne prend pas de plaisir, c'est ingrat. Le travail peut concerner des métiers pénibles physiquement (travail à la chaine) ou moralement (stress au travail lié aux clients, aux supérieurs hiérarchiques). A vous de continuer
Passons maintenant à d'autres types de sources.
Les peintres ont eux aussi, avec leur art, représenté le travail. J'ai choisi deux tableaux révélateurs. Ils traitent du même sujet, mais la vision n'est pas identique.
C / Saurez-vous reconnaître et identifier leur représentation du travail ? Soyez de fins obervateurs...
tableau d'Honoré Daumier
La blanchisseuse
1863
Tableau de Léon Delachau La lingère 1903 Vous voulez une aide ? Alors passez le curseur juste en-dessous pour faire apparaître des indices ^^
observez attentivement la position des deux personnages, elle est très révélatrice. de même, chez les peintres, la lumière joue un rôle central essayez éventuellement de relier ces tableaux aux différentes conceptions évoquées au début.
La chanson populaire a traité abondamment de ce thème.
Je suis biaiseuse chez Paquin Pour mon métier j'ai le béguin Les veillées c'est tout mon bonheur J'suis pas pour la journée d'huit heures Et le travail de nuit me fait pas peur Avec ardeur avec entrain Je biaise du soir au matin Quand mes parents m'voient pas rentrer Y disent y'a pas à s'inquiéter Elle est encore en train d'biaiser
Dans les grandes maisons d'couture Y'en a qui sont trottins Y'a des vendeuses et par nature Y'en a qui sont mannequins Y'en a qui font des corsages D'autres qui font des surjets Moi Mesdames Messieurs mon ouvrage C'est d'faire des robes en biais Pour bien biaiser une robe ma fois Y'en a pas deux, pas deux comme moi
Je vais m'établir bien vite Me marier quel bonheur Avec un garçon plein d'mérite Qu'y est ouvrier plisseur Pour nous installer à l'aise Comme n'avons pas l'sou Je biais'rai d'abord sur un' chaise Et lui pliss'ra tout d'bout L'essentiel c'est qu'y ait pas d'retard Qu'on dise pas que j'biaise en canard
Je suis biaiseuse chez Paquin Pour mon métier j'ai le béguin C'est ça qui s'ra gentil ma foi On f'ra tout l'ouvrage chez soi En s'entraidant comme chacun le doit Avec ardeur avec entrain On se partagera le turbin Afin de n'pas nous esquinter Lorsque j'aurai fini d'biaiser C'est lui qui s'mett'ra à plisser.
Paul Marinier 1900
D / Cette chanson révèle une représentation positive du travail. Pourquoi (recherchez les éléments de réponse dans les paroles) ?
Faisons un saut dans le temps et passons aux années de prospérité économique, celles qu'on appelle les "Trentes Glorieuses" (1945 - 1975).
Alors là, vous avez le son et l'image... (et cela vous changera des clips MTV^^)
« J'suis l'poinçonneur des Lilas Le gars qu'on croise et qu'on n' regarde pas Y a pas d'soleil sous la terre Drôle de croisière Pour tuer l'ennui j'ai dans ma veste Les extraits du Reader Digest Et dans c'bouquin y a écrit Que des gars s'la coulent douce à Miami Pendant c'temps que je fais l'zouave Au fond d'la cave Paraît qu'y a pas d'sot métier Moi j'fais des trous dans des billets J'fais des trous, des p'tits trous, encor des p'tits trous Des p'tits trous, des p'tits trous, toujours des p'tits trous Des trous d'seconde classe Des trous d'première classe (…) Y a d'quoi d'venir dingue De quoi prendre un flingue S'faire un trou, un p'tit trou, un dernier p'tit trou Un p'tit trou, un p'tit trou, un dernier p'tit trou Et on m'mettra dans un grand trou Où j'n'entendrai plus parler d'trou plus jamais d'trou De petits trous de petits trous de petits trous »
Serge Gainsbourg, Le poinconneur des Lilas 1958
Juste un peu plus tard, on retrouve un méga-tube de l'époque (c'est l'équivalent de Fatal Bazooka, non ?). Regardez-moi cela ...
F / Cette chanson comporte différentes visions du travail. Lesquelles ?
Je voudrais terminer par une approche plus économique du sens du travail. Deux documents différents serviront de base (Ah non, y a plus de chansons...^^)
"(...) Il faut comparer l'homme aux animaux, et même aux plus évolués dans la hiérarchie biologique: un mammifère, cheval, chien ou chat, peut se satisfaire des seuls besoins naturels: un chat qui a faim ne met rien au-dessus d'une souris, un chien rien au-dessus d'un lièvre, un cheval, rien au-dessus de l'herbe. Et dès qu'ils sont rassasiés de nourriture, aucun d'eux ne cherchera à se procurer un vêtement, une montre, une pipe ou un poste de radio. L'homme seul a des besoins non naturels. Et ces besoins sont immenses (...) Nous travaillons pour transformer la nature naturelle qui satisfait mal ou pas du tout les besoins humains, en éléments artificiels qui satisfassent ces besoins: nous travaillons pour transformer l'herbe folle en blé puis en pain, les merises en cerises et les cailloux en acier puis en automobiles."
Jean Fourastié, Pourquoi nous travaillons Que sais-je PUF 1959
G / Quel sens est donné au travail dans ce texte ?
On termine avec une représentation assez répandue aujourd'hui dans le monde du travail. C'est un diaporama qui a connu pas mal de succès ces derniers mois sur le web (cliquez pour faire défiler les diapositives)
Je ne vais plus travailler, je ne fais que m'amuser ...Je n'ai plus qu'à jardiner alors je hume !!!Le travail c'est bien pour gagner sa vie et apprécier pleinement les moments où on ne travaille pas ... Même un travail passionnant, c'est un travail, la vie c'est autre chose !!! Alors désolée, mais travailler plus pour gagner plus, ça n'est vraiment pas mon truc ...La feignasse de fonctionnaire honteusement privilégiée et prématurément retraitée... qui t'envoie des bises reposées !!!
Dans la liste des documents à étudier aurait peut-être pu figurer le malheureusement célèbre "Arbeit macht frei" qui fut notamment employé par les nazis dans les années 1930 et fut apposé à l'entrée des camps de concentration d'Auschwitz et de Dachau. Wikipedia nous apprend également qu'avant cela, cette phrase avait été utilisée par la société allemande IG Farben au-dessus du fronton de ses usines.A l'origine, cette phrase est l'expression de la doctrine d'Hegel qui se résume par : l'esclave se libère par son travail (qui n'a rien à voir avec la signification que lui ont donné par la suite les nazis).
Tout à fait exact.Mais il aurait fallu expliquer le contexte historique, je ne suis pas certain que tous les élèves de seconde aient les acquis nécessaires (c'est au programme d'Histoire de Première, il me semble).