Bon, voici des éléments de réponse au deuxième sujet du bac de SES de vendredi dernier.
Il y a comme vous le savez, plusieurs manières de traiter le sujet de dissertation du Bac 2007.
"Comment peut-on expliquer l'exclusion sociale aujourd'hui ?"
Voici la réponse d'un certain Coluche.
Etape 1: analyse du sujet.
mots-clés:
exclusion sociale: notion relativement complexe, qu'on peut délimiter en montrant qu'il s'agit d'un processus multidimensionnel aboutissant à une perte de liens sociaux, mettant à l'écart certains individus ou groupes sociaux.
Aujourd'hui: l'énoncé et les documents invitaient à traiter du cas français actuel. Inutile donc d'aborder des dimensions historiques de l'exclusion (sous les Trentes Glorieuses, au début de la crise de 1974...) ou géographiques (les autres pays).
"Comment peut-on expliquer": il convient de produire une analyses des principaux facteurs explicatifs de l'exclusion sociale. Ce n'est donc pas un sujet-débat. La difficulté est de cerner les 2 ou 3 principaux processus menant à l'exclusion et d'éviter de tomber dans le catalogue artificiel. Ce sont des mécanismes économiques et sociaux qu'il faut mettre à jour et non un listing de faits ou d'évolutions.
Cours, chapitres mobilisables
intégration et solidarité (avec l'auteur de référence Durkheim qui a montré en quoi le travail pouvait être source d'intégration sociale, mais qui a aussi mis en avant les risques d'anomie).
On peut aussi utiliser à profit les cours sur le marché du travail et l'emploi, les chapitres sur les inégalités ou la protection sociale.
Problématique:
les documents 1 et 3 sont d'une aide précieuse pour cerner la dynamique par laquelle on aboutit à l'exclusion sociale.
La fragilisation de l'intégration sociale peut provenir d'une détérioration du fonctionnement du marché du travail et de l'emploi (chômage, précarité...). Si, en plus, d'autres ruptures (maladie, divorce...) s'ajoutent et que l'individu / groupe social ne bénéficie pas de "roue de secours" (sa famille, ses droits sociaux acquis...), le cumul des handicaps mène à un processus de désaffiliation sociale. Enfin, on peut aussi montrer que l'Etat-providence et les associations peuvent aussi renforcer l'exclusion sociale: pour pouvoir bénéficier des aides, il faut être reconnu comme "exclu" (processus de stigmatisation, thèse de G.Simmel et S.Paugam)

Cézanne les joueurs de carte
Etape 2: analyse des documents.
doc.1: hausse du chômage + précarisation => affaiblissement du travail comme instance d'intégration sociale. Autres facteurs aggravant: les accidents de la vie, la maladie, la séparation familiale.
Lien: l'exclusion est multidimensionnelle, c'est un processus dynamique. L'erreur la plus lourde est de considérer l'exclusion comme un état (analyse statique: les inclus / les exclus sans voir le processus), et de limiter l'exclusion à la pauvreté (manque de revenus alors qu'il y a d'autres aspects) doc.2: le schéma montre les différents aspects économiques et sociaux qui peuvent conduire à l'isolement puis à l'exclusion sociale. Le danger est d'en faire une paraphrase (il est vrai très tentante). Quels apports pouvaient enrichir le document ? Il n'y a pas, dans le schéma, des aspects concernant la précarité de l'emploi (qui se trouvent dans le doc.1), le concept d'anomie de Durkheim pouvait également être utile.
doc.3: Le chômage est bien plus qu'un non-emploi: il se traduit certes, par une perte de revenus, mais pas seulement. On perd (en partie) son statut social, ses relations sociales et ses droits sociaux. De plus, le chômeur est stigmatisé, disqualifié, ce qui va contribuer à accroître le processus d'isolement (pas seulement dans son rapport avec les autres, dans ses rapports avec la société: moindre participation à la vie sociale, politique...).
Le document est relativement complet sur le lien entre chômage et exclusion, il apporte une dimension macro et micro-sociologique utile.
doc.4: Quelques données chiffrées qui permettent de donner des ordres de grandeur.
- le taux de pauvreté monétaire (part des individus vivant dans un ménage dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian -c'est une mesure de la pauvreté relative-) dépasse les 12 % en 2002, ce taux atteint même 8 % pour les individus ayant un emploi (même le travail ne garantit plus l'intégration sociale avec l'apparition de working poors "travailleurs pauvres".
- 48.7 % des allocataires du RMI sont toujours au RMI depuis plus de 3 ans. On a donc une exclusion durable, que ne compensent pas les aides distribuées.
- Plus grave encore, l'exclusion va se traduire par des atteintes aux droits fondamentaux: on renonce aux soins pour des raisons financières, on arrête l'école sans avoir atteint un niveau d'études suffisant pour pouvoir espérer s'intégrer dans l'emploi, on éprouve des difficultés à trouver un logement social, etc...Il s'agit ici de montrer les différentes formes d'exclusion et les processus cumulatifs qu'elles entraînent.
doc.5: ce document donne les deux axes principaux du processus de désaffiliation:
- le rapport à l'emploi s'est dégradé: c'est la crise du fordisme qui définissait une norme d'emploi salarial relativement protectrice (CDI, droits sociaux). Aujourd'hui, la flexibilité est recherchée, elle risque d'aboutir à une segmentation du marché du travail.
- la désintitutionnalisation des relations familiales: avec la montée de l'individualisme moderne, l'individu veut être plus autonome par rapport aux tutelles traditionnelles. Il cherche à s'en échapper: éloignement géographique (relatif), montée des divorces et des couples non-mariés... Le problème se pose lorsqu'un accident survient (chômage, maladie...), l'individu est moins protégé par ses liens familiaux.
On retrouve ici, la thèse de Robert Castel.
doc.6: Un document statistique très riche qui peut montrer que:
- le chômage reste un facteur essentiel de pauvreté, loin devant la précarité.
- la situation familiale peut aggraver la pauvreté monétaire: être seule sans enfant est plus risqué que vivre en couple lorsqu'on est frappé par le chômage.

Pablo Picasso
Etape 3: Quel plan ?
C'est là où la question se corse sérieusement. La difficulté principale réside dans l'organisation des différents arguments afin de réaliser un plan qui soit équilibré (autour de 2 ou 3 principaux arguments), cohérent (le danger est le catalogue).
Il existe différents types d'organisation des arguments:
1. les difficultés sur le marché du travail ont favorisé l'exclusion sociale...
A. le travail, source d'intégration sociale durant les "Trente Glorieuses"
a- le rôle clé du travail dans le lien social: cf Serge Paugam "homo faber": le travail en tant qu'activité humaine permet d'avoir une place reconnue, cette activité permet la réalisation de soi. "Homo economicus": le travail permet d'avoir un revenu, donc de participer à la société de consommation de masse. "homo sociologicus": le travail s'insère dans un collectif: les relations de travail (collègues...), participation à des luttes, à des associations liées au travail (syndicats...)
b- le travail devenu emploi: cf Robert Castel. L'emploi salarié fordiste va permettre d'acquérir de nombreux droits sociaux (congés payés, protection contre la maladie, la vieillesse, formation professionnelle...) qui permettent d'avoir une protection sociale très développée.
Ces développements sont basés essentiellement sur les connaissances personnelles.
B. la crise de l'emploi (chômage, précarité, travailleurs pauvres) va remettre en
cause cette instance d'intégration sociale
a- le chômage de longue durée, la précarité, la montée des travailleurs pauvres vont dégrader la situation financière des travailleurs => pauvreté monétaire + non accès aux droits fondamentaux => insécurité et isolement sociaux
b- chômage et précarité vont aussi stigmatiser les individus qui vont subir une dévalorisation d'eux-mêmes les enfermant dans leurs difficultés.
doc.1 + 2 + 3 + 4

pablo picasso: femme et enfant 1907
2. ...il existe d'autres facteurs explicatifs qui, lorsqu'ils se cumulent, aggravent le processus d'exclusion sociale.
A. Les ruptures familiales vont aggraver les conséquences du chômage et de la précarité.
a- la famille s'est désinstitutionnalisée (lien avec la montée de l'individualisme)
b- les ruptures familiales se sont multipliées (séparation, divorces...) ce qui va aggraver la situation de ceux qui sont frappés par la crise de l'emploi.
connaissances personnelles + doc.6
B. D'autres facteurs cumulatifs
a- les échecs scolaires, la non connaissance des droits sociaux, les difficultés de logement, de soin => difficile de retrouver un emploi sans qualification, sans logement, en mauvaise santé.
b- les effets pervers de l'assistance: la stigmatisation et la déqualification vont aggraver le processus d'exclusion. Se déclarer Rmiste, c'est aussi montrer à tous que l'on est exclu.
doc.4 + connaissances personnelles
Bon d'accord, je vous sens un tantinet déprimé(e) ^^
Allez, un prochain billet plus humoristique vous remontera le moral...

Par contagion:
- SOS...SES... en avait déjà parlé: voir ici
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