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Pour redonner du sens aux mutations économiques et sociales, des articles et des liens liés aux sciences économiques et sociales, aux débats actuels.

Cela me gène mais...

giacometti_-_busto_di_diego__parigi__museo_nazionale_d__arte_moderna__1964_.jpgEn ce moment, avec les Premières ES, nous étudions les processus de socialisation (voir ce lien)
Après avoir posé quelques éléments de repères, nous abordons l'épineuse question du déterminisme.
Il se trouve que cette année, j'ai choisi  d'étudier ce thème à  partir de la socialisation politique  que l'on peut définir comme un mécanisme de régulation sociale  qui permet d'assurer une certaine permanence du système politique et  d'insérer l'individu dans différents groupes d'appartenance (liés aux préférences partisanes...).
La question est de savoir si nous avons les mêmes idées et comportements politiques que celles et ceux de notre famille, milieu social etc...

Buste de Diego A.Giacometti 1936




En parcourant le site du journal Libération, je tombe en arrêt devant cet article de mardi  18 septembre 2007 dont je tire quelques extraits (voir l'article original ici)

"Plusieurs travaux auraient ainsi montré que «libéraux» et «conservateurs» ont des approches cognitives différentes des problèmes. L’an dernier est ainsi parue dans le Journal of Research in Personality (vol. 40, n° 5, pp. 734-749) une étude stupéfiante : les auteurs (des psychologues de UCLA, à Los Angeles) ont repris les dossiers d’enfants dont le comportement avait été étudié alors qu’ils étaient à la crèche, et ont regardé vingt ans plus tard quelles étaient leurs préférences partisanes.
Résultat : en moyenne, les «libéraux» avaient été des enfants sociaux, énergiques, un peu désordonnés, plutôt dominants. Les «conservateurs» avaient été des garçonnets et des fillettes plutôt susceptibles, parfois rigides, vulnérables, avec une tendance à la victimisation. Pas de différences notables de QI (...)

Cette étude amené certains chercheurs à se poser cette question très anglo-saxonne : existe-t-il une base biologique à ces différences de comportement, base qui elle-même semble porter en germe la future obédience politique des intéressés ?

Pour répondre, une équipe de chercheurs de la New York University et de UCLA est allée surveiller un point précis du cerveau de cobayes aux préférences partisanes connues, tout en demandant à ces derniers de se livrer à un exercice simple : taper sur un clavier quand la lettre M apparaissait, ne rien ­faire quand c’était un W . A quoi peut servir un test si rudimentaire ? A surveiller l’activité électrique d’un coin précis de la matière grise (cortex cingulaire antérieur) où se traitent, notamment, les problèmes de «résolution de conflits».

Comme le M était programmé pour sortir plus souvent que le W , l’apparition de cette dernière lettre provoquait un soudain pic électrique dans la zone étudiée : taper ou ne pas taper ? 
Surtout, l’analyse de l’activité électrique du cortex à ce moment précis a permis de voir comment, au niveau neuronal, l’individu faisait face à la nouveauté, comment il y réagissait, c’est-à-dire à quelle vitesse et avec quelle intensité.
Et devinez quoi ? Les pics électriques les plus élevés ont été enregistrés chez les cobayes les plus «libéraux». Ce que l’on peut traduire à la hache par : les «libéraux» sont plus réactifs face à la nouveauté et l’ambiguïté.
Les auteurs de l’étude de Nature Neuroscience pensent ainsi avoir fait la preuve d’une différence de fonctionnement neurobiologique entre «gauche» et «droite». Ils se félicitent d’avoir été les premiers à établir une connexion nette entre idéologie politique et activité neuronale, et estiment avoir toute autorité pour conclure : «L’orientation politique reflète en partie des différences individuelles dans le fonctionnement d’un mécanisme général lié au contrôle cognitif et à l’autorégulation.»

L’an dernier, lors de réunions de la Société américaine de sciences politiques, les chercheurs John R. Alford et John Hibbing ont présenté des communications aux intitulés ahurissants : «Comment les orientations politiques sont-elles transmises génétiquement? Un programme de recherche»,ou encore «Les bases neurobiologiques de la démocratie représentative.»
 


homme-couv.jpg                                          les humanoides associés, Moebius

J'ai essayé de remonter à la source de l'information pour en savoir plus: mais je n'ai eu accès qu'au résumé de l'article (voir ici)

L'article m'a paru intéressant. Il nous montre un certain nombre d'enjeux et de débats pour l'avenir.

On voit de plus en plus ce type de recherches (anglo-saxonne) s'orienter vers les origines biologiques de faits de société (l'intelligence, la délinquance, l'homosexualité, être libéral ou conservateur...).
Il me semble que dans les années 1960, sous l'influence du marxisme dans les sciences humaines, les origines des déterminismes étaient à rechercher dans les facteurs sociaux (la classe sociale, le milieu social, la famille etc...).

J'ai trouvé sur ce site (une vraie découverte), cette citation de Pierre Bourdieu sur la question du déterminisme: source ici

"il me semble qu'une cause majeure de malentendu réside dans le fait que l'on considère comme une prise de position normative sur le monde social quelque chose qui se pense comme une analyse positive de ce monde, une analyse qui se veut aussi proche que possible de la réalité. Autrement dit, quand par exemple on parle de déterminisme à propos de ce que j'écris, on devrait se demander – pour dire les choses très simplement – si cela tient à moi ou à la réalité dont je parle. C'est, je crois, la manière la plus simple d'indiquer un principe général de réponse : je pourrais dire à peu près la même chose à propos de toutes les questions que vous m'avez posées.
Bizarrement, au lieu de m'accorder le mérite de la découverte – au sens actif d'action de découvrir – on me fait reproche de ce qui se trouve ainsi découvert, révélé. Un peu comme si on tenait le photographe de guerre pour responsable des horreurs de la guerre... Si on n'aime pas ma sociologie, c'est peut-être parce qu'on n'aime pas ce qu'elle révèle ; parce qu'on ne veut pas voir les choses en face, comme elles sont.
Pourquoi par exemple s'accrocher à la notion de sujet ? L'essentiel de ce que je peux répondre a été dit dans la question. Les durkheimiens rappelaient que la notion d'individu, la notion de personne, sont des constructions sociales qui se sont élaborées peu à peu dans l'histoire, par un travail collectif, et qui sont continuellement reproduites, et inculquées, notamment par le système scolaire qui produit et reproduit des principes de vision du monde social parmi lesquels l'opposition entre l'« unique » et le « commun » est une des plus puissantes.
En fait, dans la réalité, on rencontre beaucoup de sujets au sens d'« assujettis », et d'abord dans le milieu intellectuel ! Les intellectuels sont particulièrement assujettis parce qu'ils se croient particulièrement libres. De tous les groupes sociaux, les intellectuels sont les plus portés à l'illusion de la subjectivité autonome et du même coup beaucoup plus vulnérables aux ruses des déterminismes sociaux." 
Pierre Bourdieu

La psychanalyse nous indiquait également en quoi notre inconscient pouvait déterminer nos actes et paroles. Depuis 30 ans, on entend que l'individu se libère des tutelles traditionnelles (famille, religion, classe sociale...), mais on voit surgir des thèses sur de nouvelles formes de déterminismes, cette fois-ci liées à la biologie.

Qu'avons-nous à dire et à enseigner à ce sujet (au-delà des jugements moraux que tout le monde peut avoir ?).
J'avais, il y a quelques années, lu un article qui m'a beaucoup marqué tant son contenu est dense.
Notre collègue Thierry Rogel m'a apporté des éléments très préçieux de réponse sur notre position en tant qu'enseignant.
Cet article m'a permis d'apprendre quelques données de base, de revoir des raisonnements qui me semblent extrêmement fructueux (j'avais gardé quelques souvenirs d'épistémologie à l'université), il explique pourquoi ces recherches connaissent un tel succès (et les raisons pour lesquelles en France il y en a très peu), enfin il indique quelques pistes de réflexion pour notre matière. Vous savez, c'est le genre d'articles que j'aime bien: on y apprend des choses, mais il nous fait réfléchir (dans le bon sens du terme à mon sens).
Je voudrais donc signaler à tous cette référence (il faut vraiment prendre le temps de la lire)

Je lis un article de libé, qui me choque au départ, puis j'essaye d'en savoir un peu plus ( en remontant à la source, en utilisant quelques références...). Bref, c'est vivifiant, non ?

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L
L'adresse précise de l'article auquel Christophe fait référence est la suivante : http://blog.bafouillages.net/index.php?post/2007/06/10/7-questions-a-pierre-bourdieu
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C
Merci Julien, si ce sont les lecteurs qui font tout le boulot, alors moi je dis chapeau ^^
Z
Bonjour,il faudrait préciser le lien pour obtenir ce site "intéressant" sur Pierre Bourdieu, car il a du migrer quelque part dans "bafaouillages" (drôle de nom pour un site de blogs...)
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L
Bonjour,Je suis l'auteur du blog vers lequel il y a un lien (« Bafouillages ») ; tout d'abord je vous remercie pour cet article intéressant et pour les références qu'on y trouve.J'avais commencé une réponse un peu développée, mais mon navigateur ayant planté, en voici une brève : déjà, rien ne semble dire (mais je ne m'y connais pas beaucoup) que le « fonctionnement neurobiologique » est la cause de l'orientation politique. Peut-être est-ce l'inverse, et que le cerveau « s'adapte » en fonction de l'éducation reçue (je pense qu'on n'est pas loin de ce que l'on nomme « plasticité cérébrale ». A vérifier ». Au quel cas il y a bien déterminisme social et non pas biologique. Ensuite, j'ai entendu et lu à de nombreuses reprises, dans la bouche ou sous la plume de biologistes, que l'effet d'un gène est une potentialité nécessitant un environnement particulier pour s'exprimer. L'idée du « gène de... » (l'alcoolisme, obésité, etc.) me semble donc bien être un raccourci journalistique un peu sensationnel mais assez loin de la complexité du vivant. Enfin, sans doute ne faudrait-il pas oublier que le gène n'existe pas en tant que tel mais qu'il est une construction scientifique aux coutours qui ont « flotté », et dont une seule et même définition n'a pas toujours été partagée (« le gène est donc un concept "flou", au contenu multiple et aux limites mal définies (...) le concept de gène était déjà éclaté entre l'usage qu'en faisaient les généticiens des populations et celui des biologistes moléculaires » Michel Morange, biologiste et historien des sciences.)Bon, j'aurais sans doute dû lire le PDF de la revue DEES avant d'écrire ;-) je vais m'y mettre, promis !En tout cas merci pour ce blog fort intéressant et sur lequel je ne manquerai pas d'épuiser mes longues minutes « Web-iennes ».PS : le lien « ajouter un commentaire » depuis la page d'un billet ouvre à nouveau la page du billet, sans que l'on puisse poster un commentaire. Pour ce faire, on est obligé de passer par la page principale :-/PPS : j'ai tout récemment changé mon blog, le lien y pointant est désormais invalide, mais l'article existe toujours ;-)
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C
Tout le plaisir est pour moi: votre blog est une découverte, je me suis abonné à votre flux RSS pour être au courant des dernières parutions.Votre commentaire m'a permis de régler ce problème lié à l'ajout de commentaires (l'explication vient du fait que je me suis remis à bloguer après 2 mois d'absences, j'ai oublié certaines choses ^^). Dont acte.Concernant le fond, je suis d'accord avec votre approche de la "plasticité cérébrale": je crois que c'est Yves Coppens qui a démontré que la taille de notre cerveau s'est développé sous l'effet des interactions avec notre environnement. L'ennui, c'est que cette causalité n'est pas présentée de cette façon (mais à confirmer car il faudrait avoir lue le texte d'origine). L'article de la revue DEES pointe le noeud du problème, c'est en ce sens qu'il me parait si fructueux.Ravi d'avoir pu échanger quelques instants avec vous...je pense que ce ne sera pas terminé car j'ai également utilisé un de vos articles sur Raymond Boudon et l'individualisme méthodologique.
W
C'est quand même étrange les expriences que peuvent faire les scientifiques!Comment ont-ils eu l'idée d'analyser le comportement d'enfants et ensuite d'attendre 20 ans pour savoir a quelle tendance politique ils apartenaient.En plus ils en concluent que les libéraux sont plutot dominants, désordonnés...etc je ne vais pas tout reprendre mais il y a peut etre d'autres facteurs a prendre en compte c'est pas si évident que ça,de même pour les conservateurs.Moi je suis resté scotchée par l'extrait du journal Libération que vous nous avez mis!!!!
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G
Mon fils est en première ES. Ayant lu quelque peu le contenu de ce blog, je l'ajoute avec sa permission dans ses favoris...Le père parle (entre autres) socio sur http://contresoumissions.over-blog.com/ . La mise en forme est peu reluisante, mais je serais heureux tout de même que vous vous y rendiez, "le temps d'une visite"...Bonne continuation,GC
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C
Pas de problème, Guy, je suis déjà allé faire une petite visite, et effectivement, il y a de quoi lire. Dès que j'ai un peu plus le temps, je m'attarde davantage sur votre blog.Merci.