Pour redonner du sens aux mutations économiques et sociales, des articles et des liens liés aux sciences économiques et sociales, aux débats actuels.
Nous abordons un sujet qui est lié au billet précédent (le choc de la modernisation), mais sous un autre angle (un peu plus humoristique).
Il s'agit en effet du "choc des cultures".
Que se passe-t-il lorsque des groupes sociaux ayant des cultures très différentes se rencontrent ?
Il nous faut d'abord définir ce qu'on entend par "culture".
Cette notion est très vaste, elle est employée dans le langage courant pour désigner la connaissance des grandes oeuvres de l'humanité .
On dira d'une personne qu'elle est "cultivée'" lorsqu'elle est capable d'utiliser des citations philosophiques, de citer les différentes aspects picturaux de l'oeuvre du peintre Picasso etc...) etc...
Dans ce cas, on parlera plutôt de "culture savante".
Les sciences sociales abordent la notion de culture de façon différente (passez votre souris sur le mot culture, vous verrez ^^)
- selon J.M. Herskovits (1895-1963), "le milieu dans lequel vivent les êtres humains est surtout une accumulation des activités des générations précédentes. Dans ce sens, la culture est un phénomène essentiellement humain"
-pour Tylor (1832-1917) est culturel « tout complexe englobant les connaissances, les croyances, l’art, la morale, les lois, les coutumes et les autres capacités acquises par l’homme en tant que membre de la société ».
- Le sociologue canadien Guy Rocher définit la culture comme étant constituée par les « manières de penser, de sentir et d’agir, plus ou moins formalisées qui étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d’un manière subjective et symbolique, à constituer une collectivité particulière distincte ».
Que retenir de ces différentes définitions ?
- la culture s'incarne à la fois dans des productions matérielles (objets, ustensiles, outils....) et dans des productions symboliques (idées, façons d'agir, langage) à partir du moment où ces productions sont le résultat d'une intervention humaine (ce qui permet de différencier Nature et Culture).
- la culture a une dimension collective: elle ne concerne par un seul individu, elle est le résultat d'un héritage collectif et nécessite un partage, une communion avec d'autres individus.
- la culture va permettre à chaque individu qui l'a intériorisée de s'adapter à son environnement (en lui permettant de savoir quels sont les comportements attendus, les valeurs et normes qu'il doit respecter) et en même temps, ce "bagage culturel" va lui permettre de se différencier des autres.
Le film "les dieux sont tombés sur la tête" (passez votre curseur sur le titre juste pour voir ^^) nous montre deux cultures différentes: celle d'une petite tribu africaine "les Bochimans" et la culture occidentale.
Cet extrait (malheureusement un montage) sur dailymotion nous présente ce qui, pour le réalisateur, représente les traits caractéristiques de chacune de ces cultures.
Sans vouloir épuiser le sujet, deux caractéristiques sont mises en évidence par le réalisateur: les représentations du temps et les rapports sociaux.
1 / le temps:
Chez les occidentaux, l'individu se représente le temps comme linéaire (il y a un début...et une fin), très découpé (les jours et les heures qui passent lui imposent de réaliser telle ou telle activité). Ce temps doit être utile (notion d'efficacité, de rationalisation...).
Chez les Bochimans, l'individu vit dans un temps circulaire (le rythme des saisons), peu découpé (les notions d'heures, de semaines n'existent pas) . C'est un temps plus lent, presque immobile.
2 / les rapports sociaux
Chez les occidentaux, on voit nettement deux traits mis en évidence: l'individualisme (la volonté de se distinguer des autres) et le sens de la hiérarchie fondé sur la richesse matérielle (avoir sa maison, sa voiture...).
Chez les Bochimans, le réalisateur est frappé par l'importance de la communauté (pas de propriété privée, peu de conflits, c'est un peu rousseauiste: le mythe du "bon sauvage")
"Les sociétés de la tradition consacrent beaucoup de temps en activités cérémonielles et ritualisées, qui façonnent les sujets dans leurs habitudes mentales et motrices, les situent dans la parenté, le village, l’environnement de la faune et de la flore, des éléments et des être qui peuplent les arrières-mondes magiques et religieux. Ces activités ne sont pas productives, à savoir qu’elles ne produisent pas de biens matériels ayant de la valeur. Mais ce sont des activités productives d’une manière autrement essentielle : elles produisent des sujets humains. Elles construisent la société en produisant de la culture (…)
Les sociétés de tradition sont confrontées à un choix de civilisation : ou bien continuer à donner la priorité à la production des sujets socialisés au détriment de la modernisation, ou bien acquérir les biens matériels de la modernité au détriment de la priorité donnée au sujet.
Ce choix ne se pose pas de manière aussi abstraite et tranchée. On en saisit les termes de manière concrète : partout dans le monde, quiconque sait qu’un hôpital suffirait à sauver la vie de son enfant ou de son conjoint n’a pas une seconde d’hésitation. Mais, avec l’hôpital, il faut de l’électricité, des routes, des voitures, une chaîne du froid pour les sérums et vaccins, des moyens de communication, du personnel qualifié, bref une société industrielle.
Ce choix se complique car l’hôpital ne répondra pas à la question du sujet ou du lien social posé par la maladie et la menace de mort : d’où vient le malheur ? Pourquoi frappe-t-il mon enfant plutôt qu’un autre ? D’où ces itinéraires complexes qui, partout dans le monde, font la navette entre l’hôpital et le devin-guérisseur.
Le choix se complique encore lorsqu’il ne porte pas sur les soins de santé mais sur un bien comme la télévision. C’est un objet désirable. Le poste de TV permet de voir le monde, il est prestigieux, il donne du statut"
Source : J. P. Warnier La mondialisation de la culture, Repères La découverte 1999