A propos des sciences...

Les sciences humaines ont toujours eu, comment dire, un complexe vis-à-vis des sciences dites exactes. D'ailleurs, il n'y a que voir les qualificatifs de "sciences dures" par opposition aux "sciences molles" !!! Se qualifier de sciences "exactes" implique-t-il l'existence de "sciences inexactes" !!!
Certains reprochent aux sciences humaines et sociales de ne pas produire des savoirs stables, mais des discours sur la réalité et de se perdre en conjectures (la meilleure preuve: il existe de multiples courants de pensée en économie et en sociologie).
Je me souviens d'un ex-ministre de l'éducation, éminent scientifique, fustigeant les prétentions scientifiques de l'économie et des sciences sociales sur un ton plus que méprisant.
Sans vouloir faire un cours d'épistémologie, je voudrais juste faire part de quelques réflexions à ce sujet en tirant parti de l'actualité du moment.

L'actualité permet d'apporter quelques éléments d'éclaircissement à ce propos :

Paroles de scientifiques sur le réchauffement climatique :

- " Nous en sommes un peu réduits à des conjectures d'homme de la rue. Le système climatique comporte des composantes qui évoluent rapidement, comme l'atmosphère et l'océan superficiel, que l'on sait assez bien modéliser, et des composantes beaucoup plus lentes, telles que l'océan profond, la fonte des glaciers, la couverture végétale (...) Celles-ci commencent à sortir du cadre de nos modèles. "

Dixit Hervé Le Treut, directeur d'un laboratoire de météorologie.

- " Nous sommes dans une situation assez bizarre : nous savons que le climat va changer, nous savons qu'il va changer de façon importante. Quant à savoir comment, c'est le brouillard total. Toutefois, nous en savons suffisamment pour dire stop aux émissions de gaz à effet de serre. Mais cette décision ne relève pas des scientifiques. "
Dixit Jean-Louis Dufresne, spécialiste de modélisation du climat.

- " Il est possible que nous ayons sous-estimé le réchauffement climatique à venir. "

Dixit le Prix Nobel de chimie 1995 Paul Crutzen. (Le Monde 2, 12/08/06)

Je ne ferait pas l'affront de revenir sur l'affaire "Pluton", où les scientifiques nous disent que, maintenant, le système solaire comprend huit planètes...

Entendons-nous bien: ce qui est génant, ce n'est pas d'avoir des doutes, de faire des erreurs, de revenir sur des hypothèses et de les discuter, de reformuler des définitions. C'est le propre de toute activité scientifique, cela prouve la vitalité des sciences qui n'avancent que par la confrontation de leurs modèles et paradigmes (cf T. Kuhn)

Non, ce qui est génant, c'est que certains scientifiques aient encore cette prétention à considérer que leur domaine est celui qui est le seul digne d'être cité (qu'il soit d'ailleurs dans les sciences dites exactes ou pas).

Dans chaque science, il existe un certain nombre de mécanismes, de faits qui ne sont pas contestables (tous les économistes sont d'accord sur les conséquences d'une dévaluation, sur les différentes utilisations des gains de productivité si telle ou telle condition est remplie).

Cela n'empêche pas les débats, les discussions, les oppositions sur les méthodes d'analyse, les chiffres, les raisonnements sur les origines et les conséquences du chômage ou de l'inflation...

"La connaissance est une navigation dans un océan d'incertitudes à travers des archipels de certitudes"

Edgar Morin (les Sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur,p.94 Seuil 2000)

Comments

[Cajou]

Bien d'accord avec toi .... Certains scientifiques (dont l'ancien ministre que tu cites, dont les raisonnements avaient été mis à mal par la Canard Enchaîné) sont bien méprisants pour les sciences humaines. Pourtant, la modestie devrait les envahir quand on constate combien de théories gravées dans le marbre ont été modifiées ou contredites au fil de la construction des connaissances humaines ...